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TEMOIGNAGE
Nadine Russé : Les multisalles de Montparnasse
ont tué nos cinémas

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Madame Nadine Russé qui habite toujours à Malakoff près des anciens lieux historiques du cinéma de Malakoff conserve les souvenirs d’une vie familiale très marquée par la gestion de son père des salles du Rex et du Malakoff Palace. Une vie d’exploitant de cinéma marquée par des moments très forts.

« C’est mon grand père qui a acheté le Malakoff Palace. Il n’était pas originaire de Malakoff, mais de Ménilmontant où il avait tenu une petite entreprise de mécanique. La salle qu’il avait achetée en 1916 était une salle de bals populaires. Beaucoup de parisiens sortaient de Paris par les fortifications (Porte de Vanves et Didot notamment) pour venir trouver la bonne ambiance du bal à Malakoff. Mon arrière grand-mère, elle, jouait du piano pendant les projections à cette époque du cinéma muet.

Avant la seconde guerre mondiale il y avait quatre cinémas à Malakoff et beaucoup de monde dans les salles. Il y a eu le Celtic devenu Le Marcel Pagnol géré par un particulier puis par la commune. Le Family Palace exploité par la Société Gaumont. Le Malakoff Palace exploité par mon père, et le Rex acheté dans les années soixante par ma famille. Le Rex d’ailleurs a été loué par la suite pour le tirage de la Loterie nationale et les essais du jeu du Loto....
 
Grands films et projections Art et Essais
 
En 1959, le Malakoff Palace a obtenu en exclusivité le grand film Ben-Hur, de William Wyler qui a fait salle comble à chaque séance. Devant le cinéma, une réplique grandeur nature du char de Ben Hur était exposée. Un grand moment !
 
Après les années 60, ça été le début de la fin des cinémas de Malakoff. Alors qu’auparavant on faisait la queue les samedis et les dimanches après-midi, le lancement des premières multisalles à Montparnasse a tué les salles de la proche banlieue sud de Paris.
 
Le Malakoff Palace a été plusieurs années une salle Art et Essais. Nous étions même classés parmi les quinze premières salles de France pour sa fréquentation. Notre public était notamment composé d’étudiants de l’école Supelec (aujourd’hui Université Descartes avenue Pierre Larousse). Les séances avaient lieu le mardi et le jeudi. L’une des deux était en VO.
Je me souviens particulièrement d’une séance qui m’a marqué en 1965 lorsque Jean Rostand (écrivain et académicien) est venu présenter le film « La bombe » de Peter Watkins et participer au débat qui a suivi (1).
 
On a tout essayé pour sauver le cinéma. Mon père a tenu le Rex et le Malakoff Palace jusqu’à leur fermeture, avec une parenthèse de 1941 à 1944 ou les cinémas ont été fermés. Pendant cette période il a trouvé du boulot dans une usine de décollage à Boulogne... 
Pour nous les enfants cette vie était dure, je n’ai passé que peu de soirées avec mes parents trop occupés par les projections. Ils quittaient la salle après l’entracte en rapportant la caisse à la maison... »
 
(1) La BBC avait demandé à Peter Watkins de réaliser une simulation crédible des lendemains d’une attaque nucléaire sur l’Angleterre, hautement d’actualité en 1965. Elle a ensuite refusé de diffuser le résultat, très documenté et réaliste, donc très alarmiste et aux antipodes des déclarations politiques britanniques. Une lacune du contrat de production permit au film de tout de même sortir en salles. Il fut récompensé d’un Oscar et du prix spécial du Festival de Venise, ce qui pour une simulation est une prouesse. Il remporta également un succès considérable en salles malgré sa durée de 48 min.
 

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