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La guinguette de Malakoff : le bal de la Butte-aux-Belles
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Le Parc d’attraction de la Tour Malakoff créé par Alexandre Chauvelot sur la Plaine de Montrouge se voulait être un lieu de plaisir. Chauvelot y établit sur une petite place carrée surélevée, encadrée d’arbres verdoyants, une salle de bal en plein air couvert d’un parquet « mais pas un de ces lieux de débauche, un bal honnête, gai et amusant », s’efforce-t-on de préciser dans le guide touristique édité en 1860 pour en faire la promotion.

Le bal de la Butte-aux-Belles était l’un de ces lieux à la mode dans cette banlieue parisienne du 19ème siècle. Pour en faire la promotion le guide officiel du parc de la Tour Malakoff s’efforce de montrer le caractère sérieux de la guinguette si proche de Paris, une salle d’où l’on apercevait toutes les curiosités de Malakoff où se trouvaient tous les agréments que l’on peut rencontrer dans les grands établissements de Paris.

Le bal de la Butte-aux-Belles avait lieu les dimanches et les lundis de chaque semaine et se faisait remarquer par « la modestie de ses habitués, et par le bon ton qui régnait parmi les diverses danses. On ne voit pas à la Butte-aux-Belles ces pas échevelés et ces débauches chorégraphiques qui réclament, dans certains établissements l’intervention des représentants de l’autorité.. ». Le guide se veut rassurant pour apparaître comme un lieu où l’on peut se rendre sans crainte, voire en famille.
En dehors des bals du dimanche et lundi, la guinguette accueillait fréquemment des bals de société et des bals de mariage. De nombreuses familles, habitant les différents quartiers de Paris qui venaient passer la journée du dimanche à Malakoff, se mêlaient aux quadrilles (1), ou bien se contentaient de regarder les danses.
 
Mais le bal du Parc de la Tour Malakoff n’avait qu’un inconvénient, celui de n’avoir d’autre plafond que le ciel. Aussi, les jours de pluie il y avait relâche forcée. Monsieur Chauvelot quelques années plus tard fera donc couvrir la salle de bal sous une élégante voute champêtre recouvrant les arbres et qui « malgré son élévation laissait à la perspective son charme et son vaste horizon.. »
 
Une balustrade en bois entourait extérieurement la salle précédée d’une rangée de bancs rustiques pour le repos des danseurs fatigués. De cette salle en plein air on apercevait toutes les attractions de Malakoff. Sur un des côtés, s’élevait un petit pavillon orné de peintures allégoriques abritant l’orchestre « d’où s’échappent des flots d’harmonie, et ou s’exécutent les quadrilles les plus nouveaux, les valses le plus à la mode… »
L’orchestre n’oubliait jamais d’interpréter le quadrille « la danse des Russes » que Chauvelot lui-même avait fait arranger exprès pour son établissement. Ce quadrille était composé des airs militaires empruntés à la musique des régiments du Premier Empire. Ce quadrille, « plein d’originalité et d’entrain » selon le guide officiel était une nouveauté qui plaisait aux amateurs de la danse comme aux spectateurs du bal.
 
Une vision machiste du bal
 
Mais qui était donc le public fréquentant ce lieu ? Le guide de la Tour Malakoff reste rassurant, évidemment très machiste : « Il est composé généralement de jeunes ouvrières qui vont demander à la danse une distraction à leur travail de la semaine. C’est là que l’on peut retrouver la grisette de Paul de Kock que l’on croyait perdu (2). Les jeunes gens de Montparnasse et de Montrouge y accouraient en foule « car il faut bien quelqu’un pour faire danser les fraîches et riantes jouvencelles, la plupart de Vanves… ».
Le bal de la Butte-aux-Belles était ouvert à tous et méritait selon le guide qu’on y vienne le dimanche car « l’aspect que présentent ces réunions, composées d’éléments si divers, est non seulement agréable à l’œil, mais encore très curieux à examiner : les danseuses expérimentées qui font leur début chorégraphiques se retrouvent à côté de jeunes filles plus aguerries dans l’art de la valse à deux temps, et forment avec elles un délicieux contraste. Ici, poursuit l’auteur du guide les jeunes gens dansent avec leurs sœurs, et plus loin les jeunes mariés, dont aucun nuage n’a encore obscurci la lune de miel, quittent la table rustique où ils prenaient des rafraichissements pour aller demander un plaisir de plus aux plaisirs du bal, et parmi cette foule bigarrée, parmi tous ces danseurs et danseuses appartenant à des conditions si différentes et si exposées, jamais ces gros mots qui font monter le rouge aux visages... » C’est dit chez Chauvelot c’est pas la lutte des classes.
 
Tout cela a disparu avec la déchéance du parc après la mort de Chauvelot. Le souvenir de ce bal reste toujours marqué par l’enseigne d’un bar avenue Gambetta qui porte le nom de « La guinguette » Sans connaître l’histoire des lieux on pourrait s’interroger sur le choix d’une telle appellation à cent mètres du périphérique.
 
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1) Héritier de l’ancienne contredance française du18ème siècle, le quadrille est une danse de bal et de salon en vogue dès le début du 19ème siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Plus largement, le mot désigne la danse de bal par excellence en France durant tout le 19ème siècle formée d’une suite de cinq figures : le pantalon, l’été, la poule, la pastourelle, la finale. (Voir la fiche de wikipédia).
 
2) C’est le comique français et auteur de Paul de Kock, qui a été crédité de la création du mythe de la Grisette, transformant cette image innocente en quelque chose de beaucoup plus séduisante et exotique. La grisette était une Parisienne qui travaillait le linge et les tissus : couturière, lingère, dentellière ou encore modiste, corsetière et autres petites mains. Elle travaillait chez elle ou dans de petits ateliers. Elle appartient au peuple de Paris.
Outre ses travaux d’aiguille qui la faisait vivre, la grisette s’accordait des moments de détente en allant au spectacle applaudir vaudevilles ou mélodrames, en allant danser dans les bals musettes ou se promener dans la campagne toute proche. Ce temps de repos du peuple était une réalité qui a d’ailleurs permis le développement, dans la capitale et ses villages avoisinants, de lieux de loisirs comme le bal de la Butte-aux-Belles de Malakoff.

 


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