DERNIERE MISE EN LIGNE

UN COMBATTANT PATRIOTE
Lettre du soldat blessé Eugène Villain au Maire de Malakoff
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Eugène Villain originaire de Malakoff, blessé pour la deuxième fois lors des combats en Champagne en 1917* et en traitement à Arcachon a adressé à Edouard Fourquemin, Maire de Malakoff, une lettre dans laquelle il lui fait part de ses impressions sur l’assaut auquel il a participé et sur la victoire qu’il a remporté avec ses camarades de tranchées.

« ...Tout était préparé depuis quelques jours d’une façon superbe. Nous étions montés aux tranchées, le 24 au soir, sous un bombardement d’enfer de nos grosses pièces et de notre 75. Nous avions l’ordre de nous placer en première ligne*. Car il faut vous dire que quand nous avions pris possession de ce secteur, nous étions à 800 mètres des Boches, mais par notre travail nous sommes parvenus à établir notre tranchée de première ligne à 75 mètres de la première ligne boche. C’est donc de cette première ligne que nous nous sommes élancés. Nous sommes restés toute la nuit à plat ventre dans cette tranchée, car la hauteur de notre parapet ne nous permettait pas de nous tenir debout. Nous attendions donc l’heure de bondir, pendant que notre artillerie arrosait d’une belle façon les Boches qui, eux, ne répondaient que faiblement.

Enfin vers 6 heures du matin arrive. L’attaque devait avoir lieu à 9 heures 15 exactement ; les officiers nous font signe de nous préparer, ce qui fut fait dans le plus grand silence. Jugez si notre attente fut longue de 6 heurs à 9 heures. Enfin, 9 heures 15 arrive et, au signal donné, ah ! quel élan : nous bondissons comme des lions sur les 1ère, 2ème et 3ème lignes Boches car nous avions ordre de ne pas nous arrêter dans leurs tranchées, les pionniers nous suivaient derrière se chargeant de nettoyer le reste des Boches. Alors nous pûmes constater l’effet de notre artillerie et surtout de nos torpilles. C’était plein de cadavres et de blessés ennemis, les survivants étaient complètement fous, ahuris par les effets du bombardement.

Nous continuons donc notre route jusqu’à proximité de la voie ferrée qui va de X à Y ; Donc leur ravitaillement était coupé.

Arrivé à la voie ferrée, soudain une fusillade partant d’un bois nous accueille. Vite nous leur répondons et notre brillante artillerie se charge de les réduire au silence. Quand soudain une marmite boche * éclate derrière moi et me blesse à l’épaule gauche et en même temps une balle m’arrive dans la cuisse. Alors ne pouvant m’n aller de suite, je restai dans un trou d’obus attendant l’heure de pouvoir sortir. Blessé à 2 heures de l’après-midi, j’arrivais au poste de secours à 7 heures du soir d’où je fus dirigé sur l’hôpital de Bouy.

Mais mes camarades avançaient toujours. Allons ! compagnons d’espoir et courage. La France peut être fière de ses enfants et nous espérons tous que cette offensive ne s’arrêtera que quand ces bandits seront rentrés chez eux. J’ai pris part à la lutte en compagnie de mon camarade Foulon, fils de notre distingué conseiller municipal et il allait bien lorsque je l’ai quitté.

Allons, vive la France ! vive Malakoff ! sus à ces bandits allemands".

Eugène Villain

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Notes : sources CRID 14/18

*La bataille des Monts de Champagne : épisode de la Premère Guerre Mondiale qui se déroule du 17 avril au 20 mai 1917. Elle est parfois désignée troisième bataille de Champagne.

*Lignes : Le creusement des tranchées à l’automne 1914 amène à distinguer en « lignes » les zones du front et les tranchées qui y sont creusées. La première ligne est ainsi celle qui fait directement face aux lignes adverses, c’est la zone la plus dangereuse, où les combattants font des séjours généralement brefs (de l’ordre d’une semaine) hors des grandes batailles qui conduisent à rester longtemps en « ligne ». L’intervalle entre les lignes est variable, et la communication se fait par des boyaux. Une fois la guerre de tranchée installée dans la durée, le réseau défensif s’organise en profondeur. Chaque ligne est une suite continue de tranchées ou de fortins, et un ensemble de ligne constitue une position. Dans la plaine de Reims, au moment de l’offensive du Chemin des Dames, il y a souvent trois positions allemandes successives, chacune constituée de plusieurs lignes.

* Boches : Le mot boche commence à se répandre dans l’argot militaire à partir de la guerre franco-allemande de 1870. Il est surtout popularisé par les Poilus dans les tranchées de la Grande Guerre, sans être systématiquement empreint d’animosité, avant de passer dans le langage commun.

* Parapet : Rebord de la tranchée qui fait face à la tranchée adverse. Il constitue à la fois une protection (renforcée par des barbelés et des sacs de sable) et un obstacle à escalader lors des attaques ou des départs pour patrouilles et coups de main. Une des règles primordiales de la guerre des tranchées consiste à ne rien exposer à l’adversaire au-dessus du parapet.

*Marmite boche : Dans l’argot des combattants, désignation des projectiles allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer sans doute en raison de leur forme et de leur poids.

 *Nettoyage : Mise hors d’état de nuire des ennemis restés dans les tranchées en deçà de la progression des troupes d’assaut. Très importante puisqu’elle consiste à s’assurer qu’on ne laisse d’ennemis dans son dos, la mission de nettoyage de tranchées a donné lieu à toute une série de récits sanglants ou de mythes plus ou moins conformes à la réalité. Des unités étaient spécialisées dans ces opérations qui se faisaient à l’arme de poing, à la grenade ou plus rarement au couteau.

 Lettre publiée dans l’hebdomadaire Vanves-Malakoff-Montrouge novembre 1915 (AD92)


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