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Souvenirs…souvenirs…sur les bordures de Malakoff
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Comme tout espace urbain la ville de Malakoff a évolué, s’est transformée tout au long du XXème siècle. Irène B a rassemblé quelques souvenirs en 2004 pour un spectacle organisé par l’ACLAM. Elle restitue ici une atmosphère et des rues disparues dans le quartier nord jouxtant l’ancienne « Zone des fortifications de Paris ». Des souvenirs particuliers aussi d’un certain 26 janvier 1940...

« Fermant les yeux, je revois cette partie nord de Malakoff (1). Une grande avenue Pierre Larousse qui s’est appelée route du Rideau, puis route de Beauvais. Et toutes ces petites rues qui tels des ruisseaux aboutissent dans la grande rivière. Si je vous dis rue des Oiseaux de Paradis, rue de la Perle du Brésil, du Jardin des Espérides, de la Butte aux Belles...reconnaîtrez-vous la rue Legrand, Rouget de L’Isle, Emile Zola ?...et la liste serait longue, pleine de poésie à jamais disparue (2). Oui sans doute nos mémoires sont là pour se souvenir et transmettre.

Me voici en 1940 : les bâtiments de Supelec dans lesquels s’engouffrent les futurs ingénieurs électriciens n’ont pas changé. En face, rue Legrand avec son puits obstrué et la fontaine de la place de la République sont les survivants de ce quartier.

Imaginez, pas d’INSEE, pas de périphérique, pas de métro, un chemin de fer crachant sa poussière noire ; point non plus d’immeubles blancs ou d’espace verdoyants bien sages emprisonnés derrière leur grillage...les bastions des fortifs n’étaient plus que tas de plâtras dans lesquels s’ébattaient le jeudi les gosses inoccupés. Rien n’émergeait jusqu’à la Porte de Vanves. L’octroi marquait l’entrée de Paris. On ne le franchissait en voiture qu’après avoir répondu à l’apostrophe rituel du gabelou : « Vous n’avez rien à déclarer ? ». C’est de cette guérite que le douanier Rousseau peignit « L’entrée de Malakoff » derrière les fortifications laissant entrevoir un terrain défoncé et presque désertique.

Aujourd’hui, disparu la rue Charles Bourseul ce savant français qui avant Graham Bell perfectionna le télégraphe électrique. Il fut un temps citoyen de Malakoff. Disparue donc cette rue, ses ferrailleurs, ses chiffonniers qui chaque jour à l’aube déversaient leur chine de la nuit dans les quartiers chics de Paris.

Disparu le passage Joissan, la rue des jardins et leur fouillis de verdure et leurs petits potagers. En 1940, sur ces terrains surgissaient un hameau de baraques construites de bric et de broc, de planches, de tôles, de pierrailles, dont le carton remplaçait parfois les vitres, au milieu de ruelles boueuses, sans lumière ni eau potable. En bordure de l’unique voie carrossable, l’avenue de la ¨Porte de Vanves se trouvait le seul point d’eau : une borne fontaine, point de rassemblement où les femmes à la queue leu-leu remplissaient leurs récipients, d’autres faisant leur lessive inondant tout l’alentour et où des enfants dénudés, même en hiver, s’y lavaient au milieu des rires et des gerbes d’eau.

Pour moi ce spectacle se répétait quatre fois par jour, allant et venant à travers cette « Zone ». Mais en ce soir du 26 janvier 1940, par un froid glacial, ces hivers de guerre devenus légendaires, cette vision était tout autre : la fontaine avait éclaté libérant une masse d’eau et transformant en patinoire l’unique passage sur toute la largeur !
Déjà le jour tombait. Les gamins sortaient de l’école, en s’en donnant à coeur joie sur leur fond de culotte oubliant le froid et parfois la faim. Mais moi, comment effectuer cette traversée ? Fallait-il rebrousser chemin et rejoindre Malakoff par une autre voie ? Angoisse !..et tout à coup, à l’opposé de ce champ de glace surgit mon père me lançant la bouée du naufragé : une paire de chaussettes de laine, qui enfilées sur mes chaussures et s’agrippant sur l’étendue glacée me rendait possible la traversée.

Pourquoi ce 26 janvier 1940 est-il resté gravé dans ma mémoire ? Parce que ce jour là si le charbon manquait pour chauffer la maison, l’amour familial réchauffait l’atmosphère et que ce jour-là...j’avais 20 ans !. »

Irène 1er juin 2004

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1) Témoignage recueilli à l’occasion du spectacle organisé par l’ACLAM suite à un travail sur la mémoire des anciens de Malakoff.

2) Voir nos fiches sur les noms des rues de Malakoff et leurs dénominations au cours du 19ème et 20ème siècle. Les noms ici cités étaient ceux donnés par Alexandre Chauvelot autour de son parc d’attraction de la Tour Malakoff.


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