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MEMOIRES FAMILIALES 14/18
« Dans ma famille on disait il est mort jeune »
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La conservation des lettres du grand-père de Claude Pichard depuis trois générations est un acte du devoir de mémoire. Depuis une dizaine d’années, il se rend chaque année à l’Ossuaire de Douaumont. Dans la famille, une guerre par génération pour rien.

« Je suis vraiment très attaché aux lettres de mon grand-père qui ont d’abord été conservées par ma grand-mère, puis ma mère. Aujourd’hui, c’est moi qui les ai. Je pense qu’il ne faut pas oublier. Ma grand-mère parlait peu de la guerre. En 1949, j’avais 11 ans et à l’époque je ne m’en souciais pas vraiment. Mon grand-père a été incorporé dès 1914 au 267e régiment d’infanterie. Il était soldat réserviste en charge de la manutention, puis il a été envoyé à Verdun en 1916. Ces documents sont pour moi une manière d’en savoir plus. Cela concerne la vie de ma famille et j’y suis attachée.

Dans ma famille on disait : « Il est mort jeune ». C’était un sujet dont on ne parlait pas mais les lettres ont été gardées. Ca reste un souvenir. J’ai découvert ces lettres quand ma mère est décédée. J’en ai pris connaissance avec peine et résignation. Dans ma famille, il y a eu une guerre par génération pour aboutir à rien : mon grand-père a fait 14-18 ; mon père la seconde guerre mondiale et moi l’Algérie pendant 28 mois.

Je suis allé à Verdun avec mes parents après ma première communion. Ma mère avait droit à un billet annuel de train pour s’y rendre, mais elle n’y est allée qu’une fois dans les années 50. Depuis une dizaine d’années, je m’y rends chaque année. Je ne m’explique pas les raisons de ces voyages. Après la lecture des lettres je me suis dit : « C’est quelque chose qu’on lui doit. » En 1919, ma grand-mère a dû faire les démarches pour avoir les informations sur le lieu où était enterré son mari. J’ai fait les démarches pour inscrire son nom à l’Ossuaire de Douaumont (2). J’ai été interloqué de voir tous les noms de soldats dans l’ossuaire.

Avec ma femme, à chacune de nos visites à Verdun, nous sommes frappés par le paysage. C’est fou ! Comment pouvaient-ils vivre... La guerre n’est jamais propre mais là, ça dépassait tout. Ma démarche est une démarche de gratitude et de reconnaissance.

J’ai deux filles. Elles sont au courant de ce que nous faisons comme nos sept petits-enfants. On leur en parle sans en faire une fixette. On leur explique que mon grand-père a souffert. Il s’agit de se souvenir et de respecter les souffrances qu’il a endurées. Je veux aussi leur faire ressentir que chaque génération a pris part à une guerre : mon grand-père, mon père et moi".

(1) Témoignage de Claude Pichard , Malakoffiot, qui conserve précieusement de nombreuses lettres de son grand-père en provenance du front.

(2) L’ossuaire de Douaumont est une nécropole nationale  située sur le territoire de la commune française de Fleury-devant-Douaumont, en Lorraine. Le monument fut conçu après la bataille de Verdun. Il abrite un cloître long de près de 137 mètres avec des tombeaux  pour environ 130 000 soldats  inconnus, allemands et français, indéfectiblement entremêlés. En face de l’ossuaire se trouve un immense cimetière composé de 16 142 tombes  individuelles de soldats français, dont un carré pour 592 soldats musulmans de l’Empire colonial.

(3) Témoignage recueilli par Stéphane Laforge dans le cadre de l’exposition « Mémoires de poilus » organisée par la Commission municipale « Mémoire et patrimoine » en novembre 2014 avec le concours du Service communication de la Mairie de Malakoff. Travail coordonné par Cécile Lousse et Florence Giacomelli.


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