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LE POETE TEMOIN
Bessières le métromane s’enflamme pour la Tour Malakoff
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Louis-Dominique Bessières, amateur de vers, parcours la France en 1902 et 1903 et traduit ses impressions en composant des vers sur les lieux "ou il a foulé ses pas". Parmi la centaine de villes qu’il a visitée, ce métromane (celui qui a la manie des vers) s’est arrêté à Malakoff. Dans son ouvrage publié en 1904, "Les instantanés", il nous livre à sa façon son regard sur Malakoff et sa nostalgie sur la fameuse tour.

De Vanves à Montrouge, en ce temps, tout entière,
La plaine s’étendait mélancoliquement,
N’offrant aux promeneurs aucun autre agrément
Que l’aspect des puits de carrière.
 
Nulle ombre, un Sahara ! de pauvres mastroquets,
De lci, de là, guettant la rare clientèle,
Pour elle ornant de fleurs une maigre tonnelle,
Ou de lilas quelques bouquets.
 
On travaillait un peu quelquefois le dimanche,
Mais, rien dans la semaine avec les ouvriers ;
Quand venait les lundis ou les jours fériés,
Alors on prenait sa revanche.
 
Il y aura bientôt de cela cinquante ans,
Très peu de temps après la guerre de Crimée,
La plaine se meubla, devint plus animée,
Donnant quelques nouveaux clients.
 
L’un de ces commerçants, mieux doué de cervelle,
Alors imagina, dans son ambition,
Qu’en créant là, chez lui, certaine attraction,
Il rendrait l’affaire plus belle.
 
Il fit, à peu de frais, élever une tour
Sur son terrain, bâtie en plâtras et blocage,
Avec un escalier desservant chaque étage,
Et dominant tout alentour.
 
Mais, comment devait-on décorer les murailles
De ces salles, partout, aussi de l’escalier ?
Paysage, attributs, ornements ou papier ?
Non, il fallait d’autres trouvailles.
 
On n’entendait alors parler que de l’Alma,
Des Anglais et des Turcs, nos alliés en Crimée ;
Devant Sébastopol, des hauts faits de l’armée,
A Traktir, à Balaclava.
 
Il n’était au Salon que tableaux militaires :
Des luttes, des combats qui, de chaque officier,
Saint-Arnaud ? Canrobert, Mac-Mahon, Pélissier,
Montraient les exploits légendaires.
 
On y croyait aussi Totleben, Gortschakoff,
Dont on reconnaissait les mérites notoires ;
Deux batailles, enfin, qui furent les victoires
D’Inkermann et de Malakoff.
 
Dans ces fastes d’alors, un peintre assez habile
Prit ses matériaux de décoration ;
Il en couvrit les murs et, sans prétention,
Fit une œuvre assez difficile.
 
Tout était à sa place : épisodes marquants
Pris dans chaque combat, les turcos, les zouaves,
Enclouant les canons, chargeant ; et tous ces braves,
Grandeur nature, aux premiers plans.
 
Sans doute, ce n’était pas là l’œuvre d’un maître,
Mais, c’était dans la note, et c’était bien français,
Et pour l’industriel, ce fut un grand succès,
Et il fallu bien le reconnaître.
 
A la Tour Malakoff, ainsi qu’on l’appela,
On venait de partout pour admirer à l’aise,
Et l’on sentait en soi vibrer l’âme française…
La tour Malakoff n’est plus là !
 
Devenue, aujourd’hui, véritable commune,
Malakoff a gardé le nom qu’avait la tour ;
Elle a bien fait ainsi, d’elle tenant le jour
En même temps que sa fortune.
 
Extrait de l’ouvrage de L. D. Bessières « Les instantanés, croquis et impressions de voyage d’un métromane »Chez Emile Colin, Imprimerie de Lagny, 1904.

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