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L’ENGAGEMENT D’UNE VIE
Gustave Durassié, le Poilu de Malakoff passeur de mémoire
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Le carré militaire de la Première Guerre Mondiale au cimetière communal de Malakoff comporte parmi les 120 sépultures de poilus (1) celle de Gustave Durassié, Lieutenant au 95è RI qui a connu l’enfer de Verdun. Durant toute sa vie il sera un passeur de mémoire à Malakoff, dans les associations locales et nationales d’Anciens Combattants et le monde de l’édition du livre de guerre.

Gustave Durassié décédé en 1986 à l’âge de 99 ans à l’Institution Nationale des Invalides a marqué la vie locale comme membre d’associations patriotiques, dans ses choix professionnels comme maître imprimeur et éditeur à Malakoff, et par ses divers engagements au service d’un idéal de solidarité avec les Anciens Combattants noués dans les combats et les tranchées de Verdun durant la Première Guerre Mondiale.

Le père de Gustave Durassié était issu d’une famille d’armateurs bordelais qu’il quitte pour devenir ouvrier imprimeur à Bourges. C’est là que naît Gustave en 1887. Après l’obtention du certificat d’études primaires, à 14 ans il entre dans la profession de son père. Toute la famille va monter à Paris. En plus de son travail d’ouvrier imprimeur rue de Bondy à Paris Gustave trouvera encore le moyen d’aider sa famille financièrement en installant le samedi matin avant l’aube les stands du marché du boulevard Raspail dans le 13ème arrondissement de la capitale

A 20 ans en 1907 il s’engage volontairement au 15ème Régiment des Dragons à Libourne où il est affecté dans le train des équipages qui organise la logistique, le transport et l’appui de l’Armée de terre. Il y restera jusqu’en 1910 avec le grade de brigadier. Lorsque le 3 août 1914 l’Allemagne déclare la guerre à la France il demande à rejoindre son frère au 95ème Régiment d’Infanterie

Dans l’enfer de Verdun

Intégré comme adjudant au 95ème RI, Gustave Durassié se lie d’amitié avec Jacques Péricard, un autre adjudant. Cette rencontre sera déterminante pour eux deux. Ils ne se quitteront plus de retour à la vie civile. Avec le 95ème RI ils seront sur tous les fronts, en Lorraine, puis dans la Woëre sur les secteurs de la forêt d’Apremont et du Bois-Brulé, au coeur des tranchées du Saillant de Saint-Mihiel où les hommes se battaient au corps à corps pour chaque mètre de terrain. Chef de corps franc dans une unité spécialisée dans l’assaut des tranchées ennemies, il est remarqué pour sa bravoure et sera titulaire de sept citations.

L’enfer de Verdun durant trente deux mois va les marquer à jamais. Le 95ème RI se bat à Fleury devant Douaumont qui est pris et repris 16 fois. Chaque assaut est meurtrier sous les bombardements. Le 95ème continuera la guerre en Argonne puis en Champagne. Gustave Durassié est deux fois grièvement blessé et finalement amputé de la jambe gauche le 17 avril 1917.

Durassié et Péricard terminent la guerre avec le grade de Lieutenant. Après l’interminable conflit mondial Gustave Durassié reprend son métier d’imprimeur, Jacques Péricard devient journaliste et écrivain et historien de la bataille de Verdun connu aussi pour avoir prononcé la phrase restée célèbre lors des combats du Saillant de Saint Mihiel au Bois Brulé « Debout les morts ».

Transmettre pour perpétuer la mémoire des Poilus

Les deux frères d’armes vont alors activement perpétuer la mémoire des Poilus pour que leurs combats et l’horreur du front ne tombent pas dans l’oubli. La bataille de Verdun doit rester dans la mémoire collective aussi ils lancent l’idée d’un volume souvenirs qui serait construit à partir de témoignages de Poilus de Verdun. Leur appel rencontre un large écho, et ils reçoivent plus de 5000 réponses. Le gros volume illustré intitulé « Ceux de Verdun » qu’ils en tirent connaît un grand succès.

Parce qu’ils fallait raconter et transmettre, grâce à la plume de l’un et la société d’édition de l’autre, Jacques Péricard et Gustave Durassié lancent en 1922 une publication annuelle « L’almanach du Combattant » une publication à destination de tous les combattants qui paraîtra jusqu’en 1993.

Tiré à 100 000 exemplaires à ses débuts, l’almanach se veut promouvoir une fidélité aux camarades, porter un regard critique... et donner tout un ensemble de considérations pratiques pour les combattants et leurs familles. Il avait par ailleurs la nette intention de structuration et de fédération des Anciens Combattants. Le texte qui ouvre les pages du premier numéro est clair : « ..C’est pour vous rappeler vos titres de noblesse, c’est pour vous prêcher la toute puissance de l’union, que je suis sorti de l’ombre. Pour vous et vos familles, pour vos morts et les ayants droits de vos morts. Ralliement, camarades ! »

Seront ainsi publiés des milliers d’articles sur des batailles de la Première Guerre Mondiale, des récits, des carnets de bord, des biographies de combattants. L’almanach assurera un rôle d’assistance juridique, mais fera également connaître des contes, des poésies et même des pièces de théâtre. Bien qu’il était à dominante conservatrice l’almanach revendiquait le parrainage de toute les grandes associations d’Anciens Combattants et comportait en fin de volume un annuaire des Associations. Cette fidélité aux camarades a donné un contenu largement composé de récits et souvenirs qui restent aujourd’hui une source fondamentale pour l’étude de la Grande Guerre et permet aussi de suivre sur plusieurs décennies sa mise en mémoire.

Dans le même temps en 1923 Gustave Durassié et Fernand Ducom créent l’Association « Ceux de Verdun » dans le but de regrouper tous les soldats qui s’étaient battus sur les terres sacrées de la Meuse. Le premier président de l’association sera Jacques Péricard. En 1938 sera créée » la Fédération Nationale de « Ceux de Verdun ». En 1951 Gustave Durassié en deviendra le président national, tout en étant de nombreuses années administrateur du Mémorial de Douaumont, membre actif du Conseil d’Administration de l’association Le Souvenir Français...Il était considéré comme un orateur exceptionnel.

Editer, diffuser

A Malakoff avec trois camarades de tranchée Gustave Durassié achète en 1925 des locaux de la Société Dikson-Constant spécialisée dans la toile et les tissus techniques au 162 route de Chatillon (aujourd’hui Avenue Pierre Brossolette) et crée une entreprise d’imprimerie spécialisée dans les livres de guerre dont il assurera la gérance jusqu’à 84 ans.

Au début de l’occupation en 1940 Gustave Durassié est dénoncé par un collaborateur Pétainiste. Sous l’inculpation d’éditeur clandestin les nazis l’arrêtent et l’emprisonnent malgré son infirmité. Mais durant la confrontation dans les locaux Allemands, son délateur ne le reconnaît pas. Gustave Durassié rentrera chez lui après quatre mois d’incarcération.

Durant toute la seconde guerre mondiale l’imprimerie de Malakoff sera confrontée au manque de papier et à l’impossibilité de diffuser des livres de guerre. Un ami de tranchée de Verdun lui donnera la possibilité d’éditer des livres techniques de commerce, de comptabilité et de calcul. Un autre des publications de la Ligue Féminine Catholique. C’est ce qui fera vivre l’imprimerie jusqu’à la Libération en 1944.

Le 25 novembre 1950 le Conseil Municipal de la ville de Malakoff décide l’érection d’un monument aux morts des deux guerres. Un comité local est constitué sous la présidence du Maire Léon Salagnac. Gustave Durassié en devient l’un des trois Vice-Président . Il sera très actif pour le suivi de l’exécution du monument auprès du sculpteur Jean Joachin et la souscription publique. Le monument sera inauguré sur la place du 14 juillet le 6 novembre 1955.

Lors de ses obsèques le 13 mars 1986, le Gouverneur militaire des Invalides le Général de Galbert, lui rendra un vibrant hommage. Gustave Durassié, Commandeur de la Légion d’Honneur, repose au cimetière de Malakoff ou une plaque de marbre posée sur sa tombe le 11 novembre 1988 rappelle qu’il fut pour la ville et la mémoire combattante nationale un fidèle passeur de mémoire.

Sources : L’association « Ceux de Verdun », Le Souvenir Français, Archives Municipales, Photos : famille Durassié.


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