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TV MONTROUGE-MALAKOFF
De la recherche aux premiers pas de la télévision
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Habitant Malakoff à partir de 1934, M. Lamblot a été l’un des collaborateurs de René Barthélemy, pionnier de la télévision française, et a suivi de très près son développement en France, depuis ses balbutiements en 1919. Dans un témoignage publié dans le bulletin de la paroisse de Malakoff en 1961, il décrivait les efforts d’une petite équipe de chercheurs passionnés par une technologie dont ils n’imaginaient pas l’extraordinaire développement. Voici quelques extraits de cet article.

"Comme toute grande technique qui se respecte, la TV a débuté en silence, très modestement, presque dans l’ombre. C’est pratiquement en 1928 et 1929 que débutèrent les travaux qui devaient aboutir à un studio officiel en 1935.

C’est en effet à cette époque que monsieur Jean Le Duc, alors directeur financier de la Compagnie des Compteurs à Montrouge (société privée) fut chargé par l’Administrateur délégué de la Société, monsieur Ernest Chamon, de réaliser un Service de télévision. Il fit alors appel à René Barthélémy, ingénieur radioélectricien, ancien élève de l’Ecole Supérieur d’Electricité de Malakoff, à la personnalité déjà très affirmée par des idées neuves et les réalisations dans le domaine de la TSF et par l’intérêt qu’il prenait déjà à cette nouvelle discipline.

 Et c’est ainsi qu’au 73 rue Gabriel Péri à Montrouge, alors appelée Grande Rue, un ancien hangar appartenant à la CDC, fut aménagé en laboratoire. Une pièce fut également transformée en studio, un bien grand mot pour nommer une modeste pièce aux murs tapissés de papier rougeâtre, au sol recouvert d’un tapis, possédant pour tout décor une petite estrade. Pour tout mobilier il n’y avait qu’un fauteuil tournant aux bras étroits enserrant « l’artiste » pour l’empêcher de sortir du champ analysé. Quelle différence entre ce studio obscur pendant les émissions et les vastes studios actuels, abondamment éclairés ou les artistes évoluent à l’aise. C’est pourtant de là que la TV est partie !

UNE VRAIE EPOPEE

Au début, tout était à faire, à découvrir, à inventer, à réaliser, car la TV d’aujourd’hui est le résultat des efforts directs ou indirects de milliers de personnes qui s’attachent aux produits ou aux pièces détachées. Ils ont, en les améliorant, permis notre avancement, nos travaux qui dépendaient autant des performances des éléments dont nous disposions que de nos propres efforts.

Les choses les plus simples posaient alors des problèmes sans nom, mais notre animateur ne désespérait jamais. Combien de fois nous sommes partis le soir très tard, las, la tête basse, le dos voûté, un peu découragés…tout avait raté, mal marché, échec sur échec… Mais le lendemain matin René Barthélémy était là avec des idées nouvelles, avec une foi sans faille qu’il nous insufflait. Nous repartions alors et petit à petit malgré les piétinements, les progrès sont venus.

 Je ne vous parlerai pas des samedis, des dimanches, des jours de fête et même des nuits passés au travail et…des imprévus, ils ont été tellement nombreux, mais notre animateur, qui était un ami autant qu’un Chef, était avec nous, ou alors cloué au lit pour une crise aiguë. Car cet homme que les rhumatismes chroniques obligeaient à ne se déplacer qu’avec des cannes, et souvent des béquilles, était généralement « sur le pont », montrait l’exemple du courage. Sa mort en 1954 a privé la technique française d’un grand serviteur.

 UN ATTRAIT ET UN ENTHOUSIAME EXCEPTIONNELS

Nous recevions souvent des visites de hautes personnalités scientifiques ou officielles, notamment de plusieurs ministres. Sur notre livre d’or se succédaient des signatures les plus éminentes. Les encouragements verbaux, sincères ou moins parfois nous étaient généralement abondamment prodigués, mais pendant longtemps les bonnes paroles ministérielles sont, jusqu’en 1935 restées creuses.

Il y avait aussi les visites des journalistes qui nous assaillaient déjà et dont nous n’arrivions pas toujours à modérer l’enthousiasme, se traduisant dans les articles publiés par des erreurs monumentales ou des exagérations, souvent de petits drames tragi-comiques. Il faut se reporter à l’époque pour comprendre à quel point cette nouveauté déchaînait l’enthousiasme, l’engouement, l’emballement !

Il suffit pour s’en rendre compte de se rappeler ces centaines de milliers de personnes qui encore en 1935 faisaient la queue dans le froid, pendant des heures, aux endroits où étaient installés des récepteurs afin de voir l’image pendant quelques secondes seulement. Et ces queues ne cessèrent pas pendant plusieurs mois.

 Nous avions aussi des joies parfois qui nous dédommageaient de nos efforts bénévoles, car les heures supplémentaires ne nous étaient pas payées, ce n’était pas l’habitude à l’époque. Nous le faisions par amour de l’art, parce que nous étions pris.

Joie profonde à chaque réussite, comme la séance à l’Ecole Supérieure d’Electricité de Malakoff le 14 avril 1931. Son succès imprévu et excessif déborda totalement le service d’ordre et provoqua aux abords de l’Ecole un embouteillage monstre, s’étendant pendant près de quatre heures jusqu’à la Porte de Brancion, et dont se souviennent peut-être encore certains Malakoffiots.

 Des joies aussi plus intimes comme cette remise de la Légion d’Honneur à René Barthélemy en 1932, ou son élection à l’Académie des Sciences au titre de la Télévision et la remise solennelle de son épée dans les studios de la RTF, rue Cognac-Jay le 16 novembre 1946.

 ESSOR NAISSANT DE LA RADIOTELEVISION

En 1936, le modeste local au 73 rue Gabriel-Péri à Montrouge était remplacé par une construction moderne et vaste, érigée spécialement au 77 de la même rue. Nous nous trouvions pourvu d’un véritable studio, modeste certes, mais bien équipé et reflétant bien le progrès accompli et l’essor naissant de la Radiotélévision, vers un champ d’exploitation d’une étendue encore insondable. Depuis 1935 en effet, la TV avait pris son envol officiel, nous n’étions plus seul et nous-mêmes étions considérablement plus nombreux à poursuivre nos recherches.

 L’émission de la RTF du 27 janvier 1961, malgré sa nécessaire brièveté, par les reconstitutions scrupuleuses qu’elle s’est efforcée de faire, sous la baguette magique de Jean Thévenot et de Claude Dagues, a rappelé quelques phases essentielles de cette marche en avant.

En participant aux répétitions et à l’émission faite en direct et réellement entre Paris et Marseille pour le Pontélégraphe, en regardant ces professionnels évoluer sur le plateau, en voyant toute cette technique et le matériel employé, devant ces souvenirs en présence d’amis ou collaborateurs des premiers temps, je ne pouvais contenir ma profonde émotion, réelle chez eux aussi. J’étais fier, je l’avoue que ma modeste collaboration ait pu apporter un petit caillou à ce bel édifice qu’est la télévision…et de pouvoir dire « Moi aussi j’en étais ».

 M Lamblot

Article publié dans L’Ami de tous, bulletin paroissial Catholique de Malakoff en Mai 1961 à l’occasion des 25 ans de la Télévision officielle Français


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