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CENTRE DE SANTE MARIE-THERESE
La guerre et l’occupation perturbent les activités du dispensaire
Les années 1940-1945
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Toutes les oeuvres de la rue Gambetta fonctionnent normalement durant les cinq premiers mois de l’année 1940, sauf la garderie d’enfants fermée faute d’abri anti-aérien suffisant. La consultation cancer est suspendue par la suite de la mobilisation du docteur de Nabias. C’est le début de cinq années difficiles pour le dispensaire qui va devoir faire face aux difficultés internes et aux demandes de soins des malades

L’Association Marie-Thérèse décide de continuer ses activités avec les Pouvoirs Publics et la Mairie collaborationniste de façon « à rendre tous les services possibles à la population qui vit des moments difficiles ».

Madame Thérèse d’Arenberg et madame Salmon tentent de combler les vides comme elles peuvent notamment pour les visites à domicile fortement perturbées par l’absence de deux soeurs de la communauté de Saint-Vincent de Paul envoyées en urgence renforcer une communauté à Angers.

Les bombardements du lundi 3 juin 1940 par l’aviation allemande visant à détruire les unités de l’Armée de l’Air Française et les sites industriels importants autour de Paris touchent Malakoff. 33 bombes explosent sur la commune et font trois morts et endommagent plus de 110 immeubles.

Fuite éperdue des habitants de Malakoff

Le 8 juin 1940, à la nouvelle de la dislocation totale du front français, l’exode de la population du Nord de la France s’intensifie, et une évacuation massive commence à Paris. En cinq jours la capitale est vidée de ses habitants. A Malakoff aussi c’est la fuite éperdue des habitants le 8 et le 13 juin. La population est réduite à 6000 habitants.

Le président de l’association décrit cette période lors de l’Assemblée Générale : « Pendant ces heures de démence collective aucune parole de raison ne pouvait pénétrer dans les cerveaux affolés... Au bout de quelques jours voyant les horreurs de la grande route, les souffrances accumulées, les plus sages des fuyards reviennent à Malakoff. Mais quels retours ! Nous retrouvons des êtres exténués, quelques-uns blessés, beaucoup ayant tout perdu. Très vite nous organisons un vestiaire pour les plus démunis avec l’aide du Secours National (1) et la distribution de produits de première nécessité comme le savon, les légumes secs... avec l’aide de la Croix Rouge pour les familles ayant tout perdu durant l’exode ainsi que pour les refugiés du Nord de la France, échoués en grand nombre à Malakoff et dénuées de tout. Un petit atelier de tricots est ouvert pour les femmes sans ressources....Mais le dispensaire se retrouve sans médecins, tous sont repliés sauf Mademoiselle Lambert. Elle ne pouvait assurer la consultation des voies respiratoires et les malades attendaient leurs insufflations de pmeumo-thorax. Grâce au Secours National nous obtenons le concours du docteur Chatourne une fois par semaine... » Les médecins reviendrons les uns après les autres à partir du mois d’octobre.

Le 21 juin une soupe populaire est organisée à la demande de la municipalité. Elle durera jusqu’à ce que la commune organise à son tour des restaurants et des cantines avec l’aide du Secours National.

En septembre trois soeurs du dispensaire sont mobilisées pour convoyer des trains d’évacués. A plusieurs reprises elles font des voyages éprouvants ou la présence d’infirmières est indispensable.

Pour l’Association Marie-Thérèse, suite aux ordonnances allemandes, il n’est plus possible de réunir l’Assemblée Générale annuelle. Les pouvoirs du Conseil d’Administration sont prorogés sans date de fin.

Soeur Falk la responsable de la communauté des soeurs de Saint-Vincent de Paul quitte Malakoff le 22 février. Elle est remplacée par soeur Paule Guérin-Long

 1941

Toute la population qui avait quitté la ville par crainte des allemands est rentrée. Pour le dispensaire le plus gros problème est celui du financement des services de santé et le bon fonctionnement des oeuvres sociales alors que les prix ont été décuplés. Face aux difficultés de la population dans sa vie quotidienne les médecins qui reçoivent en consultation des malades constatent qu’ils montrent malgré tout de la fierté et du courage. Un médecin rapporte que dans l’une de ses consultations à la question habituelle pour remplir la fiche personnelle « Avez-vous bon appétit ? une patiente répond avec un sourire « oh ça, si seulement on pouvait le contenter ? » En effet, la faim et le froid, sans combustible, représentent pour la population de Malakoff les principaux problèmes de cette année de guerre et d’occupation nazie. Dans les rapports de consultations, tous les médecins du dispensaire constatent la perte de poids des hommes : « nous recevons en consultation dit l’un d’eux des gens qui viennent uniquement poussés par l’inquiétude de leur amaigrissement. Nous constatons aussi, surtout chez les jeunes, l’augmentation des cas de tuberculose rapidement évolutive. Par ailleurs, la mortalité des vieillards a augmenté également à Malakoff durant l’hiver... » victimes eux aussi de la sous-alimentation, de leur fragilité économique et souvent de leur isolement.

Bref les conditions sanitaires et sociales sont difficiles et fragilisent la population. (2). Le dispensaire Marie-Thérèse doit donc faire face seul tout en étant confronté aux départs de certains médecins qu’il a fallu difficilement remplacer notamment en médecine générale et en oto-rhino-laryngologie. Malgré tout le dispensaire arrive à développer le service des soins et pansements avec le docteur Mouillé qui assure tous les quinze jours des consultations de petite chirurgie. L’établissement arrive même à se faire agréer par la Caisse interdépartementale des Assurances Sociales de la Seine et Seine-et-Oise pour ses consultations prénatales. Le service de radiologie avec un matériel très ancien reste efficace et permanent pour les malades tuberculeux. Pour fonctionner le dispensaire bénéficie heureusement de subventions accordées par le Secours National (1), la Reconnaissance Française, la Croix Rouge et quelques donateurs privés.

Mais la couverture médicale sur Malakoff reste précaire car il n’y a toujours pas de consultations médicales au dispensaire municipal bien que la plupart des travaux de construction ont été achevés en 1939. Il n’a pas été ouvert par la nouvelle municipalité collaborationniste mise en place par le Préfet de la Seine aux ordes du gouvernement de Pétain.

 Pour faire face à la pénurie alimentaire et le nombre de personnes sans ressource, une soupe populaire est ouverte en attendant la création d’une soupe populaire municipale.

1942

Le dispensaire est déclaré poste de secours intermédiaire pour accueillir les blessés et les évacuer en cas de besoins vers les hôpitaux. Il est établit avec le concours de la Croix Rouge et le service de la Défense passive.

Les consultations des nourrissons n’ont toutefois pas cessé, elles bénéficient de l’intégration du dispensaire dans le dispositif de « la goutte de lait » oeuvre de médecine sociale.

Les consultations des nourrissons au dispensaire et au Clos Montholon sont mêmes augmentées et passent hebdomadaire au lieu de deux par mois. Car en effet il y a urgence, le pays est traversé depuis le début de la guerre et l’occupation par une crise de la maladie infantile due aux graves pénuries alimentaires, la sous-alimentation des femmes enceintes liées aux rations insuffisantes, à la mauvaise qualité du lait frais liée aux difficultés de transports et aux mauvaises conditions de pasteurisations. Tout cela provoque chez les nourrissons des gastro-entérites qui n’étaient pas observées depuis près de 40 ans (2)

Par contre les oeuvres de plein air ont de la peine à subsister alors que les enfants jusqu’aux adolescents sont particulièrement vulnérables à la malnutrition et aux mauvaises conditions d’hygiène. L’organisation de la traditionnelle colonie de vacances à Rantigny dans l’Oise ne peut avoir lieu. En effet l’immeuble de la colonie Marie-Thérèse a subi de gros dégâts depuis le commencement des hostilités. Le mobilier et la plupart du matériel a disparu ou en grande partie inutilisable.

1943

Le Conseil d’Administration de l’Association Marie-Thérèse est très inquiet car le nombre de malade qui se présente au dispensaire atteint des chiffres records. Les finances ne suivent pas et le personnel médical est débordé. Les locaux deviennent trop petits pour accueillir toutes les personnes qui demandent des soins médicaux. Mais grâce à l’esprit de dévouement tous les services redoublent d’effort « et font des miracles ».

La propriété de Rantigny tombée dans un état déplorable bénéficie d’une belle opportunité suite à la demande de la Compagnie de chauffage et d’éclairage d’une location après une remise en état des locaux à ses frais.

1944

Le dispensaire est devenu un poste de secours de surface ce qui étend son rôle médical. A partir du mois de mai 1944 les difficultés s’accroissent au dispensaire. Les restrictions de gaz rendent le problème des stérilisations presque insoluble. Les coupures d’électricité de plus en plus nombreuses font valser les heures de consultations médicales de 14 heures à 10 heures, puis à 20 heurs pour revenir à 17 heures...

Il faut se résigner à laisser dormir les appareils de radiologie et de rayons ultras violets, faute de courant. Par contre, la consultation de tuberculose n’est pas supprimée, et toujours assurée par un médecin au moins, auscultant et entretenant les pmeumo-thorax.

L’hiver venu, c’est le manque de charbon qui fait souffrir. Le froid rend les consultations aussi pénibles pour les malades que pour le personnel médical et infirmier. Il faut fermer la salle de cancer devenue une glacière et se replier dans le petit cabinet de médecine générale, plus facile à dégeler.

Un des points inquiétant de cette année 1944 est celui de l’alimentation des tout-petits. En raison de la pénurie de transports, l’arrivage en lait frais est compromis, on manque de lait condensé, on manque de combustible pour faire chauffer les biberons, les bébés souffrent et les mères s’affolent. Le dispensaire accepte alors au mois de mai, sur demande de la Préfecture, de devenir marchand de lait. La vente de ce précieux produit demande des garanties que ne présentent plus les commerçants.

De son côté la municipalité demande à l’Association Marie-Thérèse de recueillir les enfants, de les garder pendant les mois d’été sans classe et de leur donner le repas de midi, un travail supplémentaire accepté malgré l’absence d’abri anti-aérien sur place source d’angoisse notamment le 19 mai lorsque le canon et les mitraillettes ébranlaient tout le secteur de Malakoff et de Paris.

La population vit dans l’inquiétude alors qu’elle aurait dû vivre dans la joie débordante en cette période de Libération. Ce fut le point culminant des difficultés matérielles : plus de gaz, presque plus d’électricité, eau réduite, plus de ravitaillement, plus aucun moyen de transport. Craignant une disette totale les pouvoirs publics avaient prévu plusieurs plans de détresse. L’Association Marie-Thérèse avait été désignée comme centre de distribution d’aliments cuits. Défilent alors toutes les familles du quartier apportant leur feuille d’inscription. On coupa, on colla pendant trois jours avec le sentiment que ce travail n’était qu’une distribution d’illusion puiqu’aucune réserve de vivres ne correspondait aux tickets. Ce mirage de nourriture entretint toutefois l’espérance et donna à la population l’énergie de tenir...

Les évènements de la Libération paralysent certains services mais en général les activités du dispensaire ont tenu et les statistiques de l’année montrent la volonté de l’association et de l’ensemble des personnels de répondre aux besoins médicaux de la population. 385 nouvelles familles se sont inscrites au dispensaire antituberculeux qui a effectué 2890 consultations. En médecine générale 2294 consultations ont été assurées, 1434 pour le service cancer. La petite chirurgie a effectué 29509 soins et autres piqures. Les visites à domicile n’ont jamais cessé et ont atteint les 25955 auprès de 2262 familles. Le Service Social de son côté a pris en charge 1318 familles. Une année à l’histoire exceptionnelle au coeur de laquelle « nous avons servi » rapporte le compte rendu de la Présidente Madame d’Aremberg. au Conseil d’Administration de l’Association Marie-Thérèse.

De son côté après la Libération le futur dispensaire municipal commence à accueillir des patients.

1945

C’est le retour des prisonniers et des déportés. L’Association des prisonniers de Malakoff demande à l’Association Gambetta (l’oeuvre sociale du dispensaire) de lui prêter sa grande salle du patronage pour les accueillir. Pendant les quatre mois d’été, environ 4000 hommes sont accompagnés, débarquant d’Allemagne. Ils restaient peu de temps. L’association ne s’occupait pas de leur nourriture, mais les personnes accueillis pouvaient utiliser les services médicaux du dispensaire. Beaucoup d’anciens prisonniers seront donc pris en consultation car désirant confirmer la visite médicale passée rapidement aux frontières. Chez la plupart des hommes, pour qui au début leur arrivée était marquée par la joie du retour, les médecins constatent un affaiblissement physique et moral préoccupants.

Accueil des prisonniers en gare de l’Est

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Sources : 

Archives du Centre de Santé Marie-Thérèse

1) Le secours National est une organisation créée en août 1914 dans l’objectif d’aider les populations civiles à lutter contre les misères nées de la guerre en recueillant des fonds auprès des particuliers et en les répartissant ensuite par l’intermédiaire des oeuvres privées. Reconstituée en octobre 1939 par Edouard Daladier (Président du Conseil de 1939 à 1940) ses objectifs sont les mêmes, mais le financement est élargi par l’octroi de subventions publiques et l’institution d’un contrôle. Pétain le transforme à nouveau par une loi du 4 octobre 1940 et place le Secours National sous sa présidence d’honneur. Le Secours National à la structure très administrative et avec des comités locaux, à la mission de subventionner très largement différents types d’oeuvres (réfugiés, prisonniers, enfance, aide alimentaire 28,7% de son budget en 1941). Il sera toutefois fortement instrumentalisé de la part du gouvernement de Vichy.

2) La vulnérabilité des enfants : les crises de mortalité de 1940 et 1945, de Catherine Rollet et Virginie De Luca. Presse Universitaire de Rennes


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