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32 RUE SALVADOR ALLENDE
La copie d’une grande oeuvre parisienne
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La façade d’une maison de ville du 32 rue Salvador Allende affiche une décoration composée de panneaux décoratifs qui reprennent les bas-reliefs originaux en pierre de la fontaine des Quatre Saisons sculptés vers 1744 par Edme Bouchardon située au 57 rue de Grenelle à Paris. Une copie insolite dans une rue du centre ville de Malakoff

On se dit spontanément que c’est une idée amusante d’avoir représenté sur une façade de maison de ville un bas-relief en stuc représentant des jeux d’enfants pour évoquer les saisons. En fait, cette fantaisie est bien présente sur de nombreux bas-reliefs un peu partout en région parisienne, en France de façon générale, et aussi à l’étranger.

Ces compositions en stuc sont les rejetons d’une tradition très ancienne. On nomme ce type de représentation des Bacchanale d’Enfants. En effet, à l’origine il y a dans ce qui paraît être l’image de jeux innocents, une lointaine évocation des cultes rendus à Bacchus, l’équivalent romain du Dionysos grec (1). On retrouve dès l’Antiquité l’utilisation d’enfants pour décrire la liberté de comportement du culte bachique, mais aussi tout simplement pour dépeindre la vie quotidienne. Ces enfants sont quelquefois des Amours, proches parents d’Éros, des Esprits et dans ces deux cas porteurs d’ailes. Le culte autour de Bacchus avait à voir avec le pouvoir de régénération permanente de la Nature, quoi de plus naturel que de l’évoquer avec les jeunes générations !

Un décor très en vogue

Ce thème des quatre saisons était très répandu dans les décors des maisons, des hôtels particuliers, très en vogue au XVIIIe siècle, même encore au XIXe siècle, la façade de la maison de la rue Salvador Allende construite à la fin du 19ème siècle en est la preuve concrète.

Sur la maison de Malakoff il n’y a que trois scènes pour les quatre saisons, il manque l’hiver. Sur la fontaine de Bouchardon à Paris (2) il y a pourtant bien un bas-relief représentant l’hiver. Il s’agit donc ici d’un choix de décor des propriétaires initiaux de cette maison, d’écarter cette saison. Apparemment cette saison était la moins demandée pour la décoration, la moins présente aussi sur les façades parisiennes et banlieusardes.

Lecture des bas-reliefs

En lisant la façade de gauche à droite, nous découvrons d’abord l’Été  : les enfants moissonnent le blé à la faucille, ce qui chasse un lièvre de son gîte. Un des petits moissonneurs s’est endormi, à cause de la chaleur et de la fatigue, une gourde près de lui.

Le bas-relief du milieu, au dessus de la porte représente le Printemps  : nos protagonistes tressent des couronnes de fleurs dont ils se couvrent, allusion au culte bachique dans lequel on se couvrait de tressages de feuillages. Un enfant joue avec un couple de pigeons ou de colombes, évoquant l’amour. Sur ces bas-reliefs marqués par le temps et couverts de plusieurs couches de badigeon, les détails sont un peu effacés, ce qui rend la présence des oiseaux illisible.

La troisième scène à droite de la façade évoque l’Automne  : nos putti (enfants en italien) luttent avec un bouc, ou une chèvre, qui a renversé le petit porteur d’un panier rempli de grappes de raisin. Pendant ce temps ses partenaires de jeu s’empiffrent de ce fruit de la vigne. A droite de l’enfant du milieu on voit une coupe et un couteau recourbé, qui peuvent signifier la récolte du raisin et sa transformation en vin, ou le sacrifice de la chèvre importune. 

Composition centrale à l’étage

La belle composition du haut de la façade au dessus de la porte d’entrée représente une chimère, créature fantastique mi-lion, mi chèvre reconnaissable à ses cornes, qui tient dans sa gueule un anneau supportant une petite pancarte sans inscription retenue par un cordon. Celle-ci supporte une grappe de fleurs stylisées et un ruban flottant.

 André Fantelin

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1) La fontaine des Quatre Saisons, nommée ainsi en raison des quatre bas-relief set des quatre statues représentant les saisons qui la décorent, est une fontaine unique à Paris de par son ampleur, son décor et son architecture. Elle se présente comme une façade de palais de style classique d’une dizaine de mètres de hauteur et qui se développe sur près de vingt mètres au long de la rue de Grenelle, intégrant deux portails de part et d’autre d’un ressaut central à colonnes ioniques et fronton. Le portail de droite donne accès au musée Maillol.

2) Les sacrifices d’animaux : Cérès, la première, vit couler avec plaisir le sang de la truie avide, justement punie de mort pour avoir détruit, dans leur germe, les trésors de la moisson. La déesse, au retour du printemps, avait vu la bête aux rudes soies déterrant la semence, gonflée déjà d’un suc laiteux ; la vengeance avait suivi le crime. Ce terrible exemple ne devait-il pas t’apprendre, ô bouc, à respecter les sarments ? Quelqu’un l’aperçoit mordant à belles dents la vigne, et l’indignation lui arrache ces paroles : "Bouc, tu as rongé la vigne, mais elle ne laissera pas de produire une liqueur qui te sera versée sur les cornes au pied des autels !" La menace s’accomplit, et les cornes du bouc sont arrosées de vin avant qu’on ne te l’immole, ô Bacchus, en expiation de son attentat. Ainsi, le bouc et la truie portent la peine de leur crime. Ovide, Les Fastes, chant 1 (vers 15 après notre ère).

 


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