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INSURRECTION DE 1848
Le poème de Charles Guerre,
l’ouvrier prisonnier au fort de Vanves

Pour du travail, du pain et une vie décente
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Des centaines d’ouvriers seront incarcérés dans les prisons de la région parisienne, notamment au fort de Vanves après l’insurrection du 23 juin 1848. Charles Guerre, ouvrier apprêteur pour dorure participa à l’insurrection ou 20 000 ouvriers descendirent dans la rue et formèrent jusqu’à 400 barricades. Trois jours de combats feront 4000 morts parmi les ouvriers et 1600 parmi les forces de l’ordre. Comme un certain nombre de ses camarades le jeune révolutionnaire sera incarcéré plusieurs mois au Fort de Vanves.

C’est le 23 juin qu’avait éclatées à Paris de violentes émeutes de la faim provoquées par la fermeture des Ateliers nationaux. La répression sera très brutale et consacrera la rupture de la classe ouvrière avec le régime républicain issu des journées révolutionnaires de février de la même année.

Un poème intitulé « Le droit au travail » est parvenu jusqu’à nous dans lequel le jeune homme exprime l’intensité de ses convictions. Charles Guerre passa le 10 mars 1849 en conseil de guerre et fut condamné à cinq ans de détention.

Le droit au travail
Fort de Vanves, 17 décembre 1848

Las de longs jours oisifs marqués par la souffrance,
Je vais reprendre enfin, dis-je, le tablier :
Mais un ordre nouveau trompe mon espérance,
Et m’offrant des secours me ferme l’atelier ;
L’aumône m’humilie, il me faut un salaire
Chèrement acheté par le plus dur labeur.
Oui, pour de ma famille écarter la misère,
C’est le droit au travail que réclame mon cœur !

Des maux de l’ouvrier la paresse est la source,
Répète l’optimiste cuirassé d’argent ;
Avare, vous mentez ! si je suis sans ressource,
Le manque de travail en est l’unique agent ;
Ce n’est pas à plaisir qu’en repos je m’engraisse.
Quand j’ai gagné mon pain, il a plus de saveur,
Et je réponds, quand vous m’accusez de paresse,
Par le droit au travail que réclame mon cœur !

D’où vient que cette femme, et si jeune et si belle,
Vend par les carrefours ses appas tarifés ?
Pourquoi cet homme a-t-il une âme au bien rebelle,
Où tous les sentiments se trouvent étouffés ?
Affreuse vérité, tous deux doivent leur vice
Rien moins à leur penchant qu’au dégoût du malheur ?
Et vous pouvez du mal fermer le précipice,
Par le droit au travail que réclame mon cœur !

Vous dites la famille est dans le mariage.
Je le crois, mais combien, parmi nos jeunes gens,
N’osent pas contracter, redoutant le chômage
Qui rend trop incertain l’avenir des enfants ;
Pour l’époux ouvrier, si peu de jours prospères
S’écoulent, qu’on ne voit son sort qu’avec terreur.
Otez donc à mes fils la crainte d’être père,
Par le droit au travail que réclame mon cœur !

Faute de débouchés, répétez-vous sans cesse,
Nos magasins remplis vont tour à tour fermer ;
Si le capital fuit, que l’échange se dresse,
Pour nous faire produire il fera consommer ;
Mes enfants sont nu-pieds, ma femme est peu vêtue,
Videz vos magasins payés de ma sueur.
Des vêtements plus chauds couvriront leur chair nue,
Et j’aurai le travail que réclame mon cœur !

 


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