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1922 : L’ARRIVEE DU CINEMA PARLANT
La salle du Family-Palace, une construction d’avant-garde
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La salle de cinéma du Family-Palace, ouverte en 1922 et démolie en 1965, fut présentée dans la revue « La construction moderne » en janvier 1922 comme un exemple d’équipement culturel d’avant-garde. L’architecte Emile Vergne a tenu compte à la fois des avancées en matière de construction, du confort des spectateurs et de la qualité des projections. Le Family-Palace bénéficia d’un système de structure moderne pour l’époque : une galerie en ciment armé, des murs latéraux en pans de ciment armé également et une charpente métallique. Globalement un aspect sobre, mais imposant. Laissons décrire en détail cette nouvelle salle de cinéma par son concepteur.

A la veille de l’explosion du cinéma parlant, la salle du Family-Palace se situait parmi les meilleurs équipements de France. Elle fut exploitée par la Société Gaumont.

 … « La capacité de cet établissement devait répondre à une population d’environ 20 000 habitants. Deux petites salles de cinéma existaient déjà dans le voisinage. Il nous fallait donc les concurrencer avec avantage, l’une ayant 600 places et l’autre 400. Une supériorité devait s’imposer par le nombre de place.

La commune de Malakoff étant susceptible d’extension, nous sommes arrivés à déterminer le chiffre de 1400 places comme nécessaire et raisonnable car il ne faut pas trop exagérer le nombre de place afin d’éviter le creux pendant les représentations de semaine.

Comme il n’y avait pas de théâtre à Malakoff ni dans le voisinage proche, une scène avec tous les accessoires fut prévue pour des représentations théâtrales comportant un répertoire d’opérette et même d’opéra-comique.

 Une salle imposante pour le centre ville

La forme allongé du terrain, le petit côté étant sur une des places principales de la ville, imposait l’entrée en bout du bâtiment, la scène à l’autre extrémité contre un mur mitoyen. Les services de la scène étaient ainsi rendus commodes puisqu’ils venaient en façade le long d’une rue latérale. Les artistes avaient leur loge en sous-sol, éclairée et aérée sur rue, avec leur entrée séparée. Tous les services de la scène et de l’orchestre étaient ainsi rendus indépendants.

Le public du rez-de-chaussée qui était entré par la place pouvait s’évacuer en secours sur la façade latérale, celui de la galerie sortait directement par des portes spéciales placées à la base des escaliers d’accès.

Pour l’entrée des spectateurs il a été prévu pour tout le rez-de-chaussée un contrôle unique placé dans un tambour central ; les portes latérales donnant dans le hall ne servant qu’à la sortie. Les portes d’accès dans la salle et sur le tambour furent placées latéralement afin que la lumière à l’ouverture des portes ne vienne pas jeter un reflet sur l’écran et que le courant d’air ne frappe pas les derniers spectateurs directement dans le dos.

Les escaliers latéraux conduisant à la galerie servaient l’un pour la première catégorie des places, l’autre pour le deuxième. Le terrain était du côté de l’entrée déjà affouillée. Pour profiter de cette excavation, fut prévu au sous-sol un bar et des lavabos, mais pour que trop enterrées les surfaces de ventilation ne risquent pas d’être insuffisantes, surélevé le porche d’entrée fut surélevé permettant, en outre, une plus grande pente dans la salle facilitant la visibilité. La scène restant au niveau de la rue pour la commodité des décors, chars ou animaux.

 Une cabine de projection particulièrement étudiée

Nous nous sommes préoccupés ensuite de la plus importante des questions dans une salle de représentation cinématographique, celle de la position de la cabine pour obtenir la meilleure d projection. Nous l’avons mise à la hauteur du centre de l’écran afin que le faisceau des rayons lumineux soit perpendiculaire à l’écran, le résultat étant une image non déformée qui constitue le but à atteindre pour une projection type.

Nous avons donc été amenés à mettre cette cabine dans un entresol au-dessus des entrées et au-dessous de la galerie. Cet entresol que nous pourrions presque appeler entrepont est un véritable poste de commandement. Au centre : la cabine aérée et ventilée par deux cheminées à double enveloppes (ciment armé et métal) allant jusqu’à la toiture. Cette cabine construite en ciment était absolument incombustible.

A droite de la cabine, les services électriques : convertisseur, transformant le courant alternatif en courant continu, groupe pour la recharge des accumulateurs, tableau de commande pour l’éclairage de la salle, réserve des films.

De l’autre côté de la cabine : le bureau du directeur qui, de sa place, par trois ouvertures, pouvait surveiller l’entrée de la salle ou causer avec l’opérateur. Il avait à proximité le tableau électrique de commande générale, le poste téléphonique interurbain et le poste intérieur qui lui permettait de communiquer avec la scène, le chef d’orchestre et les caissières. Ce poste de direction à cheval entre le rez-de-chaussée et la galerie fut commode pour le contact avec les deux catégories du public. En outre, au même étage se trouvait un lavabo pour l’opérateur et une pièce spéciale pour la réserve des tickets et des affiches.

Un écran de grande dimension

Une autre de nos préoccupations fut celle de la visibilité de la projection. Nous avons d’abord déterminé les dimensions de l’écran, vu la longueur de la salle nous lui avons donné six mètres de largueurs sur quatre mètres soixante dix de hauteur.

Si nous n’avons pas de déformation dans la projection, nous n’en avons voulu aucune par vision oblique, car sur une cinquantaine de spectateurs qui voient sous un angle de 30 degrés au maximum, les 1350 autres le voient de face. La pente du sol et la hauteur des gradins font que les spectateurs placés en avant ne gênent en rien la visibilité. L’absence de point d’appui dans la salle a rendu encore cette visibilité plus parfaite.

Une salle prévue pour le cinéma parlant

Nous avons bien étudié l’acoustique puisque les représentations cinématographiques sont toujours accompagnées d’auditions musicales qui doivent mettre le public dans l’ambiance.

Nous savions, en outre, que le film parlant, absolument au point grâce aux efforts de monsieur Gaumont allait être prochainement vulgarisé lorsque le prix de revient serait accessible à tous les exploitants.

Pour favoriser des ondes sonores nous avons évité les saillies. Un plan coupé a été fait entre la partie verticale des murs et la partie horizontale du plafond afin d’éviter l’angle nuisible à la propagation des ondes sonores. La saillie du balcon a été réduite à un minimum qui ne gêne en rien les spectateurs placés au dessous et pendant les représentations théâtrales avec une émission normale, la voix porte facilement à trente mètres. Afin d’obtenir les meilleures rendements de l’orchestre, nous l’avons mis dans une fosse à double parements formant une véritable boite de résonnance.

Les dessous du proscenium est incurvé et constitué par une surface élastique en contreplaqué afin de remplir le double but d’abat son et d’abat jour puisqu’ils renvoient les sons dans la salle et empêchent les rayons lumineux de l’orchestre de nuire à la projection.

Un éclairage sophistiqué

En façade nous avons voulu un éclairage très rutilant : une rampe accuse au haut de la corniche le motif principal de la façade. Le porche d’entrée est lui éclairé par trois groupes de lumière venant du plafond, mais le motif principal d’éclairage fut constitué par deux lampadaires portant deux grandes vasques éclairées sur la périphérie et au centre desquelles deux feux rouges tamisés par un globe donnant l’impression de flamme.

Les vitraux placés en haut du porche étaient aussi éclairés par la lumière du hall intérieur. A fur et à mesure que l’on pénètre dans l’établissement l’intensité de la lumière devient décroissante. Dans le hall cinq points lumineux suffisent.

Dans le tambour de contrôle précédent immédiatement la salle, une seule lampe. L’œil en effet s’habitue progressivement à la salle demie obscure dans laquelle a lieu la projection. Dans cette salle même l’éclairage est bleuté. L’indication de sortie est sur feu rouge.

Pendant les entractes, la lumière venait progressivement au moyen de résistance afin que la rétine ne subisse pas le choc qui amènerait une douleur, car l’œil pendant les représentations cinématographiques est suffisamment fatigué par le spectacle.

Nous n’avions pas installé un éclairage par reflet, le plus parfait, mais d’un prix de revient trop fort pour un établissement d’un petit rendement comme celui de Malakoff. Mais nous n’avons mis aucun points lumineux sur les murs latéraux : tous l’éclairage venaient des plafonds, volontairement peu intensif puisqu’il était obtenu par 28 lampes au maximum dont 4 sont suffisante en temps normal. Cette lumière venant du point le plus haut était très douce car venant d’ampoules dépolies.

Un nouveau luxe : l’aération

L’aération et la ventilation fut sont délicates dans un cinéma car il faut faire des ouvertures par lequel l’air sera renouvelé une fois et demie par heure. Cette aération faite devait éviter les courants d’air. Si l’air doit facilement circuler par des ouvertures, le son par contre ne devait pas sortir pour ne pas gêner le voisinage. De même, la lumière extérieure ne devait pas non plus pouvoir rentrer afin de ne pas gêner la projection.

Nous avons donc prévu un grand lanterneaux central muni sur tout son périmètre de persiennes à lames mobiles et à fermeture hermétique permettant de régler les ouvertures à volonté suivant la direction du vent.

Le plafond en staff placé à trois mètres au dessus et sans ouverture dans la partie centrale protégeait les spectateurs des coups de froids venant du haut. L’introduction de l’air dans l’inter plafond fut prévue sur les faces latérales au moyens d’ouverture fermant à guillautine.

L’air chaud vicié et les fumées venaient s’emmagasiner dans les pans coupés entre le plafond et la toiture et le courant d’air établi entre les ouvertures latérales et le lanterneaux les chassent dans le sens déterminé par le vent 

Le chauffage était assuré par des radiateurs avec circulation de vapeur à basse pression. Les services de chauffage furent placés en sous sol, la réserve de charbon venant directement en façade pour les facilités d’approvisionnement.

Des sièges solides

L’étude des sièges a attiré aussi notre attention, car dans un établissement populaire ils devaient être d’une grande solidité. La carcasse en fer plat fut considéré comme trop flexible du fait même de la forme donnée au fer. Nous avons préféré le fer a T passant en double T dans les endroits recevant le maximum d’effort. Les assemblages ont été faits au chalumeau oxhydrique au lieu d’être rivés ou vissés. L’étoffe a été volontairement choisi en panne au poil ras pour être plus résistante.

La position de ces sièges a été établie suivant les règles de la préfecture de police pour permettre une circulation commode et une évacuation rapide. 

Une décoration générale simplifiée

La décoration qui a été recherchée fut simple vu la modicité des crédits. Nous l’avons concentrée dans un haut soubassement qui relie la galerie au rez-de-chaussée. L’ouverture de la scène fut décorée en proportion avec l’écran et toutes les lignes en accusant encore la proportion par un parallélisme voulu des verticales et des horizontales.

Les deux gorges successives reliées par un plan placé en avant de l’écran voulaient elles faire ressortir la projection. On donna à ces gorges et toute la décoration surmontant le proscénium des tons plus soutenus pour mieux faire apparaître par contraste l’éclat de l’image. Quant a la partie haute de la salle on lui donna une tonalité claire afin que l’obscurité ne soit pas complète, car l’œil se fatigue moins dans une salle légèrement éclairée et la circulation pendant la projection en est facilité pour le spectateur qui va trouver sa place.

Un porche largement ouvert et accueillant

Le porche d’entrée du cinéma a volontairement été largement ouvert pour abriter les spectateurs dans leur attente de l’heure du spectacle. Les marches voulaient également donner un caractère plus ouvert a la façade pour mieux attirer la clientèle. Quant aux panneaux d’affiches placés en façade, ils avaient comme fonction de retenir surtout les passants. Un guichet de location était placé à l’extrémité de la façade afin de ne pas obliger le public à entrer à l’intérieur. Les caisses ordinaires étaient placées dans le hall desservant à droite et à gauche le rez-de-chaussée et la galerie… »

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Ont participé à la réalisation de l’établissement : M. Azam, décorateur, M. Binet sculpteur, M. Schenck, ferronnier. Pour la structure en ciment armé la maison Durnerin et Lefort


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