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POUR COMPRENDRE LE CAS CHAUVELOT
La spéculation foncière au sud de Paris au début du 19ème siècle
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De la Restauration au Second Empire, l’accroissement considérable de la population parisienne permet à de nombreux particuliers, profitant d’une conjoncture qui leur est favorable, de mettre à profit le manque de plus en plus criant de logements et l’insalubrité des quartiers populaires du centre de la capitale, afin de s’enrichir par la spéculation foncière. En effet, de grands espaces vides, occupés par des friches, des carrières ou, au mieux, des cultures maraîchères, entourent Paris.

Les espaces du sud de Paris sont tout juste rythmés par les villages et bourgs suburbains ainsi que par les petits groupes d’habitations agglomérés le long des voies d’entrée et de sortie de la ville. Situés hors de l’enceinte des Fermiers généraux, ces territoires ne sont pas soumis à l’octroi (1), ce qui constitue un attrait non négligeable et favorise l’installation de petits commerces et de populations souvent ouvrières, de petits commerçants et artisans (2). Ce mouvement d’urbanisation est donc une aubaine pour ces spéculateurs qui négocient, au meilleur prix, l’achat de grosses parcelles de terrains puis les revendent, avec de substantielles plus-values, « à la découpe ».
 
DES SPECULATEURS EN GRAND NOMBRE
 
Certains lotisseurs, gros propriétaires ou riches hommes d’affaires, peuvent
être à l’origine d’opérations conséquentes, réalisées dès les années 1820, conçues sur plans et prévoyant l’ouverture de nombreuses rues(3). D’autres, aux moyens beaucoup plus modestes, se contentent de tracer une voie, un chemin ou une impasse. Certains vendent du « clé en main », avec maison sur plans, d’autres ne proposent que de simples terrains à bâtir. Certains lotissements sont à vocation bourgeoise, comme c’est le cas dans le nord-ouest de Paris, avec le quartier de l’Europe. Certains sont mixtes, comme pour le quartier de Beaugrenelle (4), près de la Seine, sur la rive gauche. D’autres enfin, peuvent être proposés à une population beaucoup plus humble, ouvrière, composée en partie des nombreux immigrants
affluant des provinces vers Paris.
 
DES TERRES VIDES DE CONSTRUCTIONS
 
Dans le sud de la capitale, au-delà des barrières des Fourneaux, du Maine et d’Enfer, les terres situées entre le village de Vaugirard et le hameau du Petit-Montrouge sont à peu près vides de constructions (5) . Seuls quelques chemins établissent une communication entre ces deux bourgs et les relient à Paris, ainsi qu’aux villages du Grand-Montrouge et de Vanves. La situation n’évolue pas notablement jusqu’aux années 1820. Il faut attendre, au milieu de cette décennie,l’ouverture du cimetière du Sud (Montparnasse), pour qu’un début d’urbanisation s’opère autour du chemin de la Gaîté, entre le cimetière et la chaussée du Maine (6).
 
C’est au cours des années 1830 que le mouvement s’accélère, dépassant la
chaussée du Maine pour s’étendre vers le sud. Grand ou petits propriétaires et spéculateurs fonciers s’apprêtent à modifier profondément un paysage encore ruralet, sans le savoir, à jeter les bases urbaines futures du sud de Paris. Parmi ces hommes, un personnage se détache tout particulièrement, se distinguant par l’ampleur et l’originalité de ses réalisations, il s’agit d’Alexandre Chauvelot.
 
CHAUVELOT UN PERSONNAGE ATYPIQUE
 
Personnage au parcours éclectique et atypique, Chauvelot exerce, pendant
quarante ans, des métiers qui le conduisent de la classe ouvrière à l’état d’artiste,puis au commerce et à l’industrie. Sa quête de reconnaissance et son besoin d’ascension sociale l’incitent, à l’approche de ses quarante ans, à se lancer dans la spéculation foncière. Ainsi, à partir de 1835, il prend une part active dans l’essor du nouveau village de Plaisance. En 1845 il décide de créer un nouveau lotissement, le quartier des Thermopyles. A l’orée du Second Empire, il entreprend de fonder, hors l’enceinte de Thiers, près de la porte de Vanves, le village de la Nouvelle Californie,qu’il couronne, en 1856, de son établissement de la Tour Malakoff. Enfin, de 1859 à1861, il récidive une dernière fois avec le quartier de Villafranca ou village de l’Avenir, tout près de la porte de Brancion, dans le futur XVe arrondissement.
 
David Berthout
Service de documentation
Archives nationales

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Notes

1) Voir à ce sujet, Mercier, louis-Sébastien, Le tableau de paris, 2e éd., Paris, La Découverte/Poche, 1998, pp 50-54, « La nouvelle muraille ». Il exprime dans ces pages un sentiment assez généralisé de rejet fr l’enceinte des Fermiers généraux.

2) Relevés des actes de ventes des études de Vaugirard (Archives nationales étude CIII) et d’Arcueil (étude dont l’adresse a été rattachée à la fin du XIXe siècle à la commune de Montrouge, Archives départementales des Hauts-de-Seine, 3E MON). Les actes indiquent systématiquement les métiers des acquéreurs de terrains. Une écrasante majorité d’entre eux est issue du petit commerce et de l’artisanat. Les lotissements qui se développent au sud de Paris sont donc composés majoritairement d’une classe moyenne composée d’ouvriers, d’artisans et de commerçants modestes mais suffisamment « argentés » pour devenir propriétaires.

3) Voir sur les lotissements réalisés dans les années 1820 : Rouleau, Bernard, Villages et faubourgs de l’ancien Paris. Histoire d’un espace urbain, Paris, éd. du Seuil, 1985.

4) Ibid. p 202-214.

 5) Sur Montrouge, voir Aubert, Léon (chanoine), Le Petit-Montrouge et l’église Saint-Pierre, Paris, Mersch et Seitz, 1938. L’auteur a notamment fait un relevé, à partir des actes d’état civil, des métiers exercés par les

habitants du Petit-Montrouge au moment de l’annexion à Paris, ce qui permet de constater la continuité socioprofessionnelle des habitants du quartier. Sur Vaugirard, voir Gaudreau, L., Histoire de Vaugirard ancien et moderne, Paris, Dentru imprimeur-libraire, 1842.

6) Archives de Paris, cadastre révisé des communes annexées (1830-1850), Montrouge, tableau d’assemblage toutes sections, CN 147 et Vaugirard, tableau d’assemblage toutes sections, CN 203.

 

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