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SOLIDARITE 1963
Les enfants de mineurs grévistes accueillis dans les familles de Malakoff

En mars et avril 1963 le bras de fer est engagé entre les syndicats des mineurs et le gouvernement du Général de Gaule. C’est la grève générale de mineurs qui touche les dix houillères de France. Un immense mouvement de solidarité a accompagné cette lutte ouvrière notamment par l’accueil pendant les vacances de Pâques de 12 000 enfants de grévistes. Malakoff en accueillera 207 dans des familles volontaires. Fabienne se souvient de l’arrivée du petit Patrick qui venait de Vieux-Condé dans le Nord. (1)

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En mars et avril 1963 le bras de fer est engagé entre les syndicats des mineurs et le gouvernement du Général de Gaule. C’est la grève générale de mineurs qui touche les dix houillères de France. Un immense mouvement de solidarité a accompagné cette lutte ouvrière notamment par l’accueil pendant les vacances de Pâques de 12 000 enfants de grévistes. Malakoff en accueillera 207 dans des familles volontaires. Fabienne se souvient de l’arrivée du petit Patrick qui venait de Vieux-Condé dans le Nord. (1)

« Je me souviens très bien du garçon qui est arrivé chez moi. Les gens de Malakoff qui pouvaient accueillir un enfant s’étaient manifestés auprès de la Mairie. Comme pour les colonies de vacances, on a procédé à l’appel des enfants et des familles d’accueil. Mes parents se sont vus confier le petit Patrick, un enfant qui venait de Vieux-Condé dans le Nord. Il avait à peu près mon âge 7-8 ans, et il était inquiet parce qu’il n’avait jamais quitté son foyer.

Nous habitions le quartier du Clos-Montholon, dans une petite maison en bois, détruite à la fin des années soixante. Il ne faut pas croire qu’elle offrait des conditions d’accueil extraordinaires. Elle se composait d’une chambre où dormaient mes parents, mon frère et moi-même. Dans la petite salle à manger dormait ma soeur aînée. Comme elle était en vacances, Patrick a pris son lit.

Patrick et moi étions tous les deux issus d’un milieu ouvrier, mais de deux cultures différentes. Il avait son patois, je ne comprenais pas toujours tout ce qu’il disait. Comme il n’avait pas de soeur, j’en suis devenue une pour lui. Ma mère s’est comportée avec lui comme s’il avait été son propre enfant. Pour la nourriture, c’est pareil : le peu qu’on avait, on le partageait, comme cette chambre... On était pas riche, les enfants accueillis ne l’étaient pas non plus.

Parmi les souvenirs qui n’ont marqué, il y a celui de l’orange. Au cours d’un repas, ma mère avait servi à Patrick une orange pour le dessert. Le gamin avait mordu dans son orange sans même l’éplucher, parce qu’il n’en avait jamais vu. On a du lui expliquer que le fruit était à l’intérieur et qu’il fallait l’éplucher. De honte, a moins que ça ne soit de la fierté, il a préféré dire que chez lui, chez les « chtis », on mangeait les oranges avec la peau. Et il s’est forcé à la manger toute entière.

Ayant retrouvé du courrier que la mère de Patrick avait envoyé à mes parents pour les remercier de l’accueil réservé à leur enfant, grâce à internet, j’ai retrouvé Patrick. Je l’ai appelé. J’en ai encore la chair de poule. On ne s’est pas dit grand-chose, mais que d’émotion au moment où je lui ait dit « C’est Fabienne », C’était poignant... »

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1) Extrait du supplément 195 de Malakoff-info 2005

2) En 1960, le plan Jeanneney amorce le processus de la récession charbonnière. Les salaires des mineurs, auparavant indexés sur les prix, sont « gelés ». En janvier 1963, les mineurs décident de faire la grève du rendement. Le 1er mars 1963, la grève éclate dans les bassins houillers du Nord - Pas-de-Calais, de Lorraine et du Centre. Les mineurs réclament une augmentation des salaires, la quatrième semaine de congés payés et de meilleures conditions de travail.
Mobilisation record
En dépit de l’ordre de réquisition, la grève est suivie par une majorité écrasante : 98 à 99,7 % chez les ouvriers du fond, 60 à 76 % chez les ouvriers du jour. Cinq jours après le début du mouvement, on compte 178 000 mineurs en grève, sur un effectif de 190 000. Le 4 mars, plus de 20 000 grévistes défilent dans les rues de Lens. Ils seront 25 000 à Valenciennes, 10 000 à Douai. Le 29, les mineurs de toute la région se donnent rendez-vous à Lens pour une grande manifestation, à l’appel des syndicats CGT, FO et CFTC. Le cortège réunit plus de 75 000 personnes !
 Une solidarité sans précédent
La grève de 1963 a donné lieu à un mouvement de solidarité impressionnant. Dans toute la France, cheminots, sidérurgistes, dockers, étudiants, etc., soutiennent le mouvement. On collecte aussi des dons pour alimenter un fonds commun de solidarité. Parallèlement, plus de 22 000 enfants de mineurs grévistes sont envoyés en vacances dans des familles d’accueil ou des centres de loisirs, grâce à la mobilisation de collectivités, de comités d’entreprises, d’associations. Certains séjours se prolongent bien après la fin de la grève, jusqu’à la mi-avril.
Le dénouement
Le 4 avril, les représentants de l’intersyndicale annoncent qu’un « compromis honorable » a été trouvé : 11 % d’augmentation salariale échelonnée sur neuf mois. Mais la question de la 4e semaine de congés payés est reportée. Insuffisant aux yeux de beaucoup de grévistes. Mais la reprise du travail est néanmoins décidée. C’est la fin d’un conflit qui aura duré 35 jours. (
Source : La Voix du Nord 27 août 2017)

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MONOGRAPHIE PARTISANNE
Une vision particulière des habitants de Malakoff en 1878

Au milieu du 19ème siècle, des études sur le travail, la vie domestique et la condition morale des populations ouvrières des diverses régions de France et sur les rapports qui les unissent aux autres classes furent publiées sous forme de monographies par la Société internationale des études pratiques d’économie sociale (1). Parmi ses études figure l’analyse de la vie d’un ouvrier cordonnier de Malakoff en 1878. Dans cet extrait, l’économiste Urbain Guérin, donne sa vision de la population de Malakoff, sans tradition, sans relation, indifférente à la religion mais surtout ce qui semble préoccuper notre enquêteur ce sont les discours qui remettent en cause l’ordre établi bourgeois et capitaliste !

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Au milieu du 19ème siècle, des études sur le travail, la vie domestique et la condition morale des populations ouvrières des diverses régions de France et sur les rapports qui les unissent aux autres classes furent publiées sous forme de monographies par la Société internationale des études pratiques d’économie sociale (1). Parmi ses études figure l’analyse de la vie d’un ouvrier cordonnier de Malakoff en 1878. Dans cet extrait, l’économiste Urbain Guérin, donne sa vision de la population de Malakoff, sans tradition, sans relation, indifférente à la religion mais surtout ce qui semble préoccuper notre enquêteur ce sont les discours qui remettent en cause l’ordre établi bourgeois et capitaliste !

« …Le village de Malakoff est sans passé, car il est de création récente. Son fondateur fut un restaurateur de la place Dauphine, condamné pour attentat aux mœurs, et qui s’établit à côté de la tour nommée, après la guerre de Crimée, tour de Malakoff.
Cette tour qui dominait une grande étendue du pays et d’où l’œil percevait les monuments de la capitale, le cours sinueux de la Seine et les coteaux boisés de Chatillon et Meudon, était visité le dimanche par la population des faubourgs de Paris et fut peu à peu entourée de restaurants très fréquentés.
Lorsque les promeneurs devinrent plus nombreux, de nouveaux restaurants s’ouvrirent et les maisons se construisirent autour de ce premier noyau. Surtout depuis l’annexion des communes de la banlieue, beaucoup d’ouvriers, désireux de se soustraire aux conditions difficiles de la vie à Paris sont venus habiter les maisons élevées par les entrepreneurs. Celles-ci, presque toutes semblables, ne comprennent pas plus d’un étage et sont entourées d’un petit jardin.
 
Un grand nombre d’étrangers se trouvaient parmi les premiers habitants de Malakoff. Depuis lors, ce mouvement d’émigration en dehors de la capitale s’est accentué, les facilités de communication sont devenues plus grandes et ainsi s’est constitué ce village qui s’étend sur un espace de plus d’un kilomètre. Si les tramways ont contribué pour une forte part à augmenter le chiffre de la population, ils ont, en revanche, diminué le nombre de promeneurs qui se dirigent surtout vers Chatillon, point terminus de la ligne de tramways partant de Saint-Germain-de-Prés.
 
Malakoff, ainsi formé par l’émigration d’une grande ville, présente tous les caractères d’un faubourg des cités populeuses et les témoignages recueillis sur ce village ont résumé d’un mot son caractère principal. C’est un pays sans tradition ; ainsi subit-il encore plus profondément que les autres parties du territoire l’action des hommes de nouveauté et la désorganisation sociale y est plus avancée.
 
Le village se compose en effet d’habitants qui n’ont aucune relation les uns avec les autres et qui vivent isolés, sans être soumis à une action commune et réunis par un intérêt identique. Les employés, fixés à Malakoff, passent leur journée à Paris et ne rentre que le soir dans leur domicile. Les ouvriers travaillent presque tous pour les patrons demeurant dans la capitale, sauf un petit nombre de maçons résidant à Malakoff et dont les constructions nouvelles nécessitent leur présence.
 
Un élément important de la population est une colonie étrangère parmi laquelle les Allemands forment la majorité. Partis après les évènements de 1871, tous les habitants du pays s’accordent à dire qu’ils sont aujourd’hui en aussi grand nombre qu’avant la guerre, et la plupart des patrons qui s’étaient engagés à ne pas les reprendre à leur service, n’ont pas persisté dans leur détermination bruyamment annoncée. Interrogés sur les motifs qui les ont amenés à revenir sur cette résolution, les patrons assurent que les Allemands fournissent des ouvriers sobres, résistant à la fatigue et élevant moins d’exigences que nos compatriotes.
 
Cette colonie étrangère vit entre elle, évite de se mêler à la population française et se réunit dans les cabarets où elle ne rencontre que des étrangers.
 
Sur ce sol qui ne renferme qu’une juxtaposition d’habitants, la grand propriété n’existe pas, et la terre se répartit entre un nombre considérable de propriétaires. La commune de Vanves-Malakoff comprend en effet 1,585 cotes foncières et 1,439 maisons, sur ce chiffre, le village de Malakoff représente à peu près la moitié.

UN VILLAGE A BANLIEUE MORCELEE
 
C’est donc le village à banlieue morcelée, avec une population sans cohésion, chez laquelle l’influence des autorités naturelles s’efface et le sentiment religieux devient de moins en moins vivace….
Les habitants, sous l’influence des journaux révolutionnaires, manifestent encore leur sentiment anti-religieux, en adressant des plaintes amères contre le budget des cultes auquel il reprochent de ne pas rétribuer un service public.
Si le curé, désireux de prolonger les habitudes religieuse des jeunes gens se heurte à l’indifférence des parents, l’instituteur lui aussi, se plaint de la mauvaise éducation de ses élèves. Les parents veulent sans doute que leurs enfants acquièrent une certaine instruction, mais ils ne tiennent pas à leur assiduité à l’école.
L’autorité n’existe plus dans la famille où les pères croient remplir leurs devoirs, quand ils ont assuré l’existence matérielle de leurs enfants. Ils se renferment dans une complète indifférence au sujet de leurs sentiments moraux. Les motifs les plus futiles attirent aux enfants de sévères réprimandes, tandis que les fautes graves passent sans reprochent.
 
Aussi, dans cette population, privé de guides, dépourvue de tradition, ayant perdu toute foi religieuse, l’influence appartient-elle à quelques légistes médiocres ne donnant pas l’exemple des qualités morales et dévoués aux théories modernes, ils contribuent à augmenter la désorganisation sociale. Les ouvriers qui se réunissent tous les dimanches dans les cabarets écoutent docilement les politiciens de bas étage qui commentent les doctrines propagées par des journaux, dévoués aux faux dogmes de 1789.
 
Telle est la physionomie de Malakoff qui, malgré sa proximité se distingue de Vanves par des traits essentiels. Ce dernier village n’est pas en effet une création du XIXème siècle. Connu depuis le roi Robert, il a été érigé en paroisse au XIIème siècle et il reste encore sur ce territoire de vieilles familles de blanchisseuses qui conservent les traditions du passé. Malakoff n’est plus au contraire habité que par des familles instables et abimées dans un matérialisme complet… ».
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(1) Les ouvriers des deux mondes Tome 5, 1885) p 163-200
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