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CARRIERES
Les dures conditions de travail des carriers
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On comptait au milieu du 19ème siècle un grand nombre de carrières ouvertes sur la rive gauche de la Seine : 300 environ étaient en activité. Elles occupaient 2 500 ouvriers de diverses classes, dont 700 journaliers-manœuvres, dits hommes de bricole, 600 journaliers, dits hommes d’atelier, 300 journaliers-conducteurs ou tâcherons principaux, 900 tâcherons à tâche personnelle d’équarrisseurs, de trancheurs, de soucheveurs.
Description du lourd labeur de ces hommes aux différents métiers qui ont tiré la pierre à bâtir sous la ville de Malakoff et d’ailleurs à partir d’extraits de la description d’un maître carrier de Paris, Alfred Michaud, au milieu du 19ème siècle.

Les travaux des carrières variaient selon les mois de l’année. Avec l’’hiver comptait une période de chômage qui commençait à la Toussaint pour finir au Ier avril. Durant ces cinq mois les patrons carriers pouvaient renvoyer la plupart de leurs ouvriers, mais un usage a prévalu parmi les maîtres carriers, préoccupés de conserver les ouvriers qu’ils avaient l’habitude d’employer.

Les carriers émigrants venus du Limousin ou de quelques autres régions de France, retournaient au pays, les autres travaillaient à des travaux préparatoires de l’exploitation de la belle saison. C’était notamment durant cette période que se faisait le tranchage de la masse et le percement des galeries.

Pendant la saison d’été le travail devenait très actif, et le nombre des ouvriers augmentait. Comme il fallait toujours opérer à la lumière dans ces galeries souterraines, la durée du jour n’avait aucune influence sur celle du travail. L’été, les journaliers ajoutaient deux heures à leur journée normale ; les tâcherons travaillent aussi plus longtemps,
 
Les catégories d’ouvriers étaient nécessairement liées l’une à l’autre. Une carrière de pierre à bâtir ne pouvait pas être exploitée par moins de 8 ouvriers, à savoir :1 conducteur, 1 équarrisseur, 1 soucheveur, 1 trancheur, 2 hommes d’atelier, 2 hommes de bricole.
 
HOMME DE BRICOLE
On appelait hommes de bricole ou, en terme de carriers, arricandiers, les ouvriers les moins habitués aux carrières et qui étaient chargés d’exécuter les travaux de terrassement, de transporter les blocs de pierre, de monter sur les échelons de la roue du treuil pour la faire tourner et élever la pierre jusqu’à l’orifice supérieur du puits. Ils étaient au besoin aidés dans ces travaux par tous les autres ouvriers. Le métier de carrer n’exigeait aucun apprentissage, puisqu’il suffisait seulement de fournir sa force de travail. Les hommes de bricole étaient donc véritablement des apprentis. L’ouvrier qui se présentait pour la première fois à un maître carrier était admis si son âge et sa force physique le rendait apte au travail.
 
HOMME D’ATELIER
Les hommes d’atelier étaient les véritables ouvriers journaliers des carrières, et les hommes de bricole pouvaient passer promptement dans cette catégorie. Leur travail consistait à transporter la pierre, à faire tourner la roue du puits d’extraction, à creuser les galeries, construire les supports destinés à prévenir les éboulements et remplir, avec la terre extraite des nouvelles fouilles, les vides créés par l’exploitation. Ce dernier travail s’appellait faire les bourrages.
 
HOMME TRANCHEUR
Les trancheurs attaquaient la masse de pierre qui formait les parois des galeries d’exploitation en y ouvrant, ordinairement de 20 mètres en 20 mètres, des tranchées verticales de toute la hauteur de la galerie (1,60m à 2 mètres), perpendiculaires à sa direction, et mesurant 0,50m de largeur, sur 2 ou 3 mètres de profondeur. C’était aussi les trancheurs qui, lorsqu’un bloc de 19 mètres environ de longueur venait d’être séparé de la masse qui le divisait pour le débiter en pierres marchandes. Ces ouvriers sont payés à la tâche et au mètre linéaire mesuré suivant la profondeur des tranchées.
 
Le travail des carriers trancheurs était très pénible. A mesure que la tranche s’enfonçait dans la masse, l’ouvrier y pénétrait au milieu d’un nuage épais de poussière calcaire. C’était dans ce nuage poudreux qu’il lui fallait exécuter une opération fort rude et déployer souvent une grande vigueur corporelle.
 
HOMME SOUCHEVEUR
Les soucheveurs devaient leur nom à la nature de leurs tâche dans les galeries, la plus difficile et dangereuse du métier. Les carriers désignaient par le mot souchever l’opération qui consistait à séparer la pierre dans le sens perpendiculaire aux tranches. Le bloc de pierre tranché dans toute la hauteur du banc et à un intervalle de 20 mètres, était ce qu’on appelle défermé ; il ne tenait plus à la masse que par sa face verticale la plus profonde.
Le soucheveur se couchait tout de son long sur le sol de la galerie et devant le bloc à détacher, armé d’un marteau en fer à deux tranchants avec un manche de bois plat, dur et long de deux mètres, il creusait dans le lit terreux qui supportait inférieurement le bloc calcaire. Il arrivait ainsi peu à peu à pratiquer sous la pierre une rainure de 0,30m de hauteur sur 20 mètres de longueur et jusqu’à une profondeur de 2 mètres.
A mesure qu’il pénétrait plus avant il glissait sous la pierre, s’éclairant d’une petite chandelle posée sur un carreau. De distance en distance, il plaçait de petits supports en bois nommés pivots ou des fragments de pierre tendre ou moellons pour soutenir le bloc qui pouvait à tout moment s’affaisser sur ses bras. Il poursuivait ainsi jusqu’à ce qu’il ait à chaque bout atteint une tranche.
Alors, il appelait à lui quelques ouvriers pour enlever avec un certain ensemble les supports et les morceaux de pierre. Moment critique ou le bloc qui se trouve suspendu sans appui, et qui peut mesurer jusqu’à 70 mètres cubes et peser environ 1 700 tonnes. Le banc terreux qui le limite supérieurement cédait, en même temps que la masse se détachait au fond. Le bloc tombait sur le sol de la carrière en se cassant en trois ou quatre fragments. Aussitôt les trancheurs le divisaient. Chaque pierre était ensuite poussée sur des rouleaux de bois, par les hommes d’atelier aidés de quelques tâcherons, jusqu’à l’orifice inférieur du puits d’extraction.
Le travail du soucheveur est aussi pénible que dangereux ; dans cette catégorie de carriers les accidents nombreux entraînaient fréquemment la perte d’un bras ou même des deux.
 
L’exploitation de la lambourde qui fournissait la pierre tendre dite moellon était un peu moins pénible. Cette masse formée de bancs très réguliers se séparait sans peine. Elle présentait en outre des fissures dans le sens vertical. C’était dans ces fissures que l’on pratiquait les tranches, puis on détachait la pierre par sa partie supérieure en creusant le lit arénacé qui la limitait, c’était ce qu’on nommait trancher à plat. On appliquait de forts crics contre la pierre, au niveau des délits ou séparations horizontales des couches, et on soulevait la couche qui se détachait alors très uniformément. La dangereuse opération du souchevage n’avait plus lieu dans cette masse.
 
HOMMES EQUARISSEURS
Les équarrisseurs étaient chargés d’équarrir la pierre sur la plate-forme qui entourait l’orifice supérieur du puits de service. On nommait équarrir, tailler le bloc à angles droits sur toutes ses faces. La pierre avait seulement été dégrossie par les trancheurs qui l’avait coupée dans la carrière ; c’était l’équarrisseur qui, lorsqu’elle était extraite et avant de la livrer, lui faisait ses parements ou l’équarrit. L’équarrissage était le travail le moins pénible, mais qui exigeait le plus d’expérience et d’habileté manuelle.
 
HOMMES CONDUCTEURS
Chaque carrière était confiée à la direction d’un conducteur qui dirigeait les ouvriers qui l’exploitait. Il représentait le maître carrier. Il travaillait habituellement comme ouvrier avec les hommes d’atelier ; mais, en outre, il était chargé de compter le nombre d’heures de travail fournies par les journaliers et de mesurer l’ouvrage exécuté par les tâcherons. C’était aussi lui qui embauchait les nouveaux ouvriers. Les maîtres carriers avaient tout intérêt à conserver longtemps leurs conducteurs et à maintenir de bons rapports avec eux.
 
Sources : Archives SEHDACS 1980

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