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L’unique tableau présent dans l’église Notre-Dame de Malakoff sur le thème de « La fuite en Egypte », n’est pas une œuvre banale et l’on est surpris de la trouver dans une modeste église du 19ème siècle alors que la peinture est datée du 17ème siècle. Longtemps attribuée au célèbre peintre flamand Philipe de Champaigne, ce qui lui vaudra d’être inscrit le 4 avril 1907 aux objets historiques, l’œuvre a finalement été attribuée par l’historien d’art Bernard Dorival dans son catalogue raisonné des œuvres de Champaigne, à Pieter Van Mol (1602-1674) un autre artiste profondément marqué par Rubens.
Noirci par le temps le tableau se trouvait fort déprécié. Une restauration a été effectuée en 2010-2011, financée par la ville de Malakoff, propriétaire de l’oeuvre depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et le Ministère de la Culture. Depuis cette intervention par un atelier spécialisé on déchiffre encore mieux la belle maitrise technique de l’oeuvre et son vrai pouvoir émotionnel.
Parmi les différents épisodes de la vie de Jésus, celui de la fuite en Egypte a beaucoup été traité à travers l’histoire de l’art religieux. Il évoque l’exode de Marie et de Joseph pour sauver leur enfant menacé par les soldats du roi Hérode. Prévenu par un songe Joseph quitte Bethléem avec Marie pour soustraire l’enfant à la mort. C’est le tragique épisode du massacre des Innocents Les plus grands peintres ont été sensibles à ce thème et ont réalisé une ou plusieurs oeuvres montrant « la Sainte Famille » sur le chemin de l’exil (Poussin, Solimena, Bourdon, Fra Angélico, Rembrant...).
UN THEME QUI INSPIRE
La fuite en Egypte ne tient pourtant que quelques lignes dans l’évangile de Mathieu (2,13-15) l’un des quatre évangélistes du livre du Nouveau Testament. Néanmoins l’histoire a connu une prodigieuse fécondité. Les représentations de la fuite en Egypte abondent depuis dans l’art chrétien, tant en occident qu’en orient.
En fait, l’évocation de « La Sainte Famille » et plus globalement l’histoire de l’enfance de Jésus, ont connu une grande diffusion, s’inscrivant dans une tradition qui remonte à l’époque romane où déjà de nombreux artistes ont représenté les premières années de la vie de Jésus et de sa famille notamment sur les chapiteaux historiés des églises. Pour la fuite en Egypte, trois personnages sont toujours mis en scène : Marie, Jésus et Joseph et un animal, l’âne. C’est le cas du tableau accroché dans l’église Notre-Dame de Malakoff.
DECHIFFRAGE DE L’OEUVRE
Pieter Van Mol représente une fuite nocturne savamment composée. Mais la nuit est un lieu en marge entre deux univers qu’il manifeste par un savant éclairage avec un clair de lune, symbole fort qui éclaire le passage d’un monde à un autre. L’autre éclairage vif est la lumière émanant de Jésus et qui irradie le visage de Marie.
Il appui par ailleurs son interprétation de ce moment clé en symbolisant par des idoles renversées (celles qui ne sont rien) la venue du fils de Dieu annoncée dans la prophétie d’Isaïe (19,1). Cette affirmation fut populaire très tôt chez les croyants. Le trébuchement des idoles est aussi relaté dans des textes non reconnus par l’Eglise catholique mais très populaires dès le deuxième siècle de notre ère car ils y ajoutaient un certain nombre d’anecdotes..
Mais l’artiste va encore plus loin par le choix de l’idole brisée. Parmi les fragments de sculptures antiques peints en bas, à gauche du tableau, est reconnaissable la tête de Diane, grâce au croissant de lune qu’elle porte sur sa tête. Pourquoi Diane et pas n’importe laquelle déesse antique ? Précisément parce que Diane est à la fois la déesse romaine de la lumière, c’est elle qui régit le passage d’un monde à un autre et qu’elle représente parmi les divinités la virginité perpépuelle. Pieter Van Mol a sans doute voulu exprimer ici, que l’enfant en fuite dans les bras de sa mère (toujours vierge, selon le dogme catholique) représente pour le croyant cet autre monde en devenir.
Guillaume Kazerouni, historien d’art, conclue sa notice consacrée à la fuite en Egypte de Pieter Van Mol dans le guide des tableaux conservés dans les Hauts-de-Seine, en disant « que l’artiste a construit une vision intime, tendre et poétique. Les trois personnages par des regards et leur mouvement suggéré par les petites envolées des drapés, donne tout son dynamisme à la composition ». Une oeuvre à découvrir.
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(1) Patrimoine des Hauts-de-Seine. Guide des tableaux conservés dans les édifices publics et privés, Somogy Editions d’Art, 2006, 2 volumes sous coffret
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