SOMMAIRE :
Un territoire

Le bâti


Les activités


Le sacré


VU ET ENTENDU
La zone, lieu de la mémoire collective populaire

La zone et les fortifs n’existent plus. Pourtant ce territoire autour de Paris, entre la Porte de Vanves et la Porte de Chatillon en ce qui concerne Malakoff, reste un lieu de mémoire collective populaire. Des Malakoffiots y ont vécu ou travaillé, d’autres ont traversé régulièrement cet espace, certains ont entendu parler leurs parents…Vues de l’intérieur et de l’extérieur, souvenirs de la zone et les zoniers.

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La zone et les fortifs n’existent plus. Pourtant ce territoire autour de Paris, entre la Porte de Vanves et la Porte de Chatillon en ce qui concerne Malakoff, reste un lieu de mémoire collective populaire. Des Malakoffiots y ont vécu ou travaillé, d’autres ont traversé régulièrement cet espace, certains ont entendu parler leurs parents…Vues de l’intérieur et de l’extérieur, souvenirs de la zone et les zoniers.

C’était un monde très vivant

Dans les années 40, il y avait, avenue Pierre-Larousse, une belle maison avec une cour derrière qui était en bordure de la zone. Ce pavillon appartenait à la veuve Verdier, qui employait des chiffonniers. Dans sa cour, des familles triaient ce qui avait été récupéré dans les poubelles, avant le ramassage des ordures. Mon beau-père a commencé à y travailler tout jeune et il a continué presque jusqu’à sa retraite. La zone s’étendait à la fois sur le territoire de Paris, Malakoff et Vanves. Pour les "zonards", ça ne faisait pas de différence. Quelle que soit la commune, ils avaient le même habitat, le même mode de vie, le même travail. Ils se connaissaient tous. C’était un monde très vivant. Il y avait des bons moments. Le dimanche, les zonards venaient manger des moules frites à une guinguette qui se trouvait près du pont de la Vallée (où se dresse aujourd’hui l’hôtel B&B). Ils fréquentaient aussi le bal des Quatre As, les quatre cinémas autour de la place du 11-Novembre et les associations sportives. 

Lucien Roussin

J’ai vu le paysage changer

Au début des années 50, la zone était à l’état sauvage, envahie par les herbes hautes, de la ligne de chemin de fer jusqu’à la porte de Châtillon. J’y jouais alors à la guéguerre avec les enfants de Vanves. Quelques baraquements abritaient des marginaux et des gitans, qui organisaient parfois de grandes fêtes. Adolescent, je traversais ces terrains vagues, en revenant de mes sorties à Paris, depuis la station Porte de Vanves. Ce n’était pas très rassurant : c’était l’époque des blousons noirs et il y avait des bagarres entre les bandes de Paris et de Malakoff. À la fin des années 50, j’ai vu le paysage changer, avec encore de nouvelles constructions du côté de l’INSEE, le nouveau lycée François- Villon, etc.

Clément Guion

Ca se présentait comme un terrain vague

Mes grands parents habitaient dans le quinzième arrondissement. À la suite d’inondations, ils sont venus habiter la zone dans le secteur de l’actuelle porte de Vanves. Beaucoup de familles nombreuses habitaient là. J’avais trois ans quand nous avons été forcés de quitter la zone pour aller dans le 14ème. C’était en 1927, probablement au moment de la destruction des fortifs et de la construction des premiers HBM. La zone, ça se présentait comme un terrain vague avec des cabanes en bois. Il n’y avait pas de rues. Rien que des passages qui, côté Malakoff, rejoignaient l’avenue Pierre-Larousse. Mon père et d’autres membres de la famille étaient alors employés par la mairie de Malakoff, comme balayeurs ou éboueurs. La journée commençait tôt, car avant de travailler pour la ville, ils "faisaient les chiffonniers". Ils rapportaient leur collecte dans des charrettes à bras, puis ils triaient ce qui pouvait être revendu. Enfant, j’ai participé plus d’une fois à ce travail avant d’aller à l’école. 

Auguste Gaudron

Ma mère se levait tôt pour fouiller les poubelles

Je suis la 14ème enfant, la dernière-née de la famille. Je n’ai pas connu la zone mais je me souviens de ce que me racontait maman. Elle se levait très tôt pour fouiller les poubelles, de la porte de Vanves jusqu’à la porte d’Auteuil. Vers ce quartier-là, elle trouvait parfois des choses qui rapportaient plus que les chiffons habituels. Elle m’a parlé d’une seringue dont l’aiguille était en argent ! Elle portait ce qu’elle ramassait dans un ballot sur son dos. Entre le boulot de chiffonnier tôt le matin, celui de marchande des quatre saisons dans la journée, les soins aux enfants et les tâches ménagères, vous imaginez s’il lui restait du temps pour se reposer ! 

Nicole Labrousse

J’allais y cueillir de l’herbe pour les lapins

Enfant, j’habitais rue Victor-Hugo, à proximité de la zone. C’était alors un grand terrain vide qui s’étendait jusqu’aux pieds des HBM de Paris. La zone, pour moi, c’était l’aventure, un vaste terrain de jeu qui s’étendait de la ligne de chemin de fer jusqu’à la porte de Châtillon. Dans l’après-guerre, j’allais y cueillir de l’herbe pour les lapins et je me souviens qu’un troupeau de chèvres y descendait depuis Clamart. Mes souvenirs les plus marquants sont liés à la Libération et à l’arrivée de la division Leclerc. Les premières unités étaient prises pour cibles par des miliciens postés sur les toits des HBM de Paris. Des fusils mitrailleurs avaient alors été installés sur les petits monticules de pierre, amas de débris, qui jonchaient la zone. Mes copains et moi, on attendait derrière pour récupérer les douilles, qu’on collectionnait précieusement.

Jean Clavel

Les gens vivaient en bonne communauté

Ma famille avait construit un pavillon, vers 1919-1920, le long de la ligne de chemin de fer, là où se trouve l’actuelle rue Julia-Bartet. Ma soeur aînée avait besoin d’air pur et il y avait là beaucoup de terrains à vendre. On avait un immense jardin, où jouaient les huit enfants de la maisonnée et où poussaient des tomates, des topinambours. Pour aller chercher l’eau, mes frères se rendaient plusieurs fois par semaine à la fontaine, avec de gros bidons juchés sur des charrettes. Nous n’avions pas le sentiment d’être pauvres. On n’était pas des traîne-savates, on allait tous à l’école, on avait tous un métier : ma mère était blanchisseuse et moi typographe. C’était très calme dans la zone, les gens vivaient en bonne communauté. Les chiffonniers, c’était des gens bien ;ma voisine ramenait des objets magnifiques des beaux quartiers, j’adorais aller chez elle et la voir fouiller parmi tout cela. J’ai quitté la zone pendant la guerre, vers l’âge de 18 ans, lorsque nous avons été expropriés, pour nous retrouver rue Raymond-Fassin. 

Léone Six

C’était un lieu de divers rassemblements

Enfant, j’habitais dans un HBM de la Porte de Vanves. Juste à côté, c’était la zone, c’était bizarre. Après-guerre, il n’y restait que quelques cabanes de tôle abritant des "philosophes", des chiffonniers et marginaux. L’herbe avait repoussé et les mères de famille venaient s’y promener car il n’y avait pas encore de squares. C’était aussi le lieu de divers rassemblements : le ciné des armées venait y diffuser ses films de propagande et recruter pour la guerre d’Indochine et les missionnaires d’Afrique y faisaient leurs sermons.

Jean-Michel Colin

Des baraques en bois sans grand confort

Quand j’étais enfant, la zone était un terrain vague truffé d’anciennes carrières. A l’âge de 10-11 ans, je m’aventurais dans ces tunnels avec les copains. On marchait là dessous, parfois à quatre pattes, sur une distance de 800 à 1000mètres, puis on faisait demi-tour, car on avait un peu peur des rats et de ces multiples galeries. Il paraît qu’elles menaient jusqu’aux catacombes de Denfert-Rochereau. Adolescent, je traversais la zone pour aller au lycée à Paris ; comme il n’y avait pas d’éclairage, il valait mieux bien connaître le chemin, surtout par temps de neige. Le week-end, c’est le long de la zone que je venais me promener aux puces, une véritable institution à l’époque. Il y avait un monde fou et de nombreuses gargotes près de la place de la République : la baraque de Marthe la frite, le café du Timbre-Poste où se retrouvaient les philatélistes. A proximité, subsistait un vrai petit village de chiffonniers, fait de baraques en bois sans grand confort. 

Michel Le Bas

Je n’avais l’impression qu’on était des exclus

Je suis né en 1924, près de l’ancien pont de la Vallée où se dresse aujourd’hui l’hôtel B&B, à un endroit où passe actuellement le périphérique. Mon enfance dans la zone, c’était merveilleux, un vrai paradis. Si ça existait encore maintenant, j’y retournerais bien. On avait tout, un jardin, des bêtes, on vivait très bien. C’était un petit coin de campagne : chez lui, mon frère aîné avait des lilas, un groseillier, un pommier. Mes parents avaient construit leur propre maison de bois. On n’y a eu l’électricité qu’à la veille de notre exclusion, alors on s’éclairait à la lampe à pétrole. Je n’avais pas l’impression qu’on était des exclus : on travaillait et on allait à l’école comme tout le monde. Souvent, j’allais avec mes parents faire les poubelles, dès 4 h 30 du matin. Ballots de papier, bouteilles, tout était récupéré, puis racheté par les marchands qui passaient tous les mois. C’était un travail dur, mais il fallait bien manger. L’ambiance était merveilleuse, on était amis avec tous nos voisins. La plupart des chiffonniers comme nous.

Désiré Desmedt

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Sources : Extraits de Malakoff-infos Novembre 2007

Photo : La zone à Malakoff. BNF

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VECU
Souvenirs…souvenirs…sur les bordures de Malakoff

Comme tout espace urbain la ville de Malakoff a évolué, s’est transformée tout au long du XXème siècle. Irène B a rassemblé quelques souvenirs en 2004 pour un spectacle organisé par l’ACLAM. Elle restitue ici une atmosphère et des rues disparues dans le quartier nord jouxtant l’ancienne « Zone des fortifications de Paris ». Des souvenirs particuliers aussi d’un certain 26 janvier 1940...

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Comme tout espace urbain la ville de Malakoff a évolué, s’est transformée tout au long du XXème siècle. Irène B a rassemblé quelques souvenirs en 2004 pour un spectacle organisé par l’ACLAM. Elle restitue ici une atmosphère et des rues disparues dans le quartier nord jouxtant l’ancienne « Zone des fortifications de Paris ». Des souvenirs particuliers aussi d’un certain 26 janvier 1940...

« Fermant les yeux, je revois cette partie nord de Malakoff (1). Une grande avenue Pierre Larousse qui s’est appelée route du Rideau, puis route de Beauvais. Et toutes ces petites rues qui tels des ruisseaux aboutissent dans la grande rivière. Si je vous dis rue des Oiseaux de Paradis, rue de la Perle du Brésil, du Jardin des Espérides, de la Butte aux Belles...reconnaîtrez-vous la rue Legrand, Rouget de L’Isle, Emile Zola ?...et la liste serait longue, pleine de poésie à jamais disparue (2). Oui sans doute nos mémoires sont là pour se souvenir et transmettre.

Me voici en 1940 : les bâtiments de Supelec dans lesquels s’engouffrent les futurs ingénieurs électriciens n’ont pas changé. En face, rue Legrand avec son puits obstrué et la fontaine de la place de la République sont les survivants de ce quartier.

Imaginez, pas d’INSEE, pas de périphérique, pas de métro, un chemin de fer crachant sa poussière noire ; point non plus d’immeubles blancs ou d’espace verdoyants bien sages emprisonnés derrière leur grillage...les bastions des fortifs n’étaient plus que tas de plâtras dans lesquels s’ébattaient le jeudi les gosses inoccupés. Rien n’émergeait jusqu’à la Porte de Vanves. L’octroi marquait l’entrée de Paris. On ne le franchissait en voiture qu’après avoir répondu à l’apostrophe rituel du gabelou : « Vous n’avez rien à déclarer ? ». C’est de cette guérite que le douanier Rousseau peignit « L’entrée de Malakoff » derrière les fortifications laissant entrevoir un terrain défoncé et presque désertique.

Aujourd’hui, disparu la rue Charles Bourseul ce savant français qui avant Graham Bell perfectionna le télégraphe électrique. Il fut un temps citoyen de Malakoff. Disparue donc cette rue, ses ferrailleurs, ses chiffonniers qui chaque jour à l’aube déversaient leur chine de la nuit dans les quartiers chics de Paris.

Disparu le passage Joissan, la rue des jardins et leur fouillis de verdure et leurs petits potagers. En 1940, sur ces terrains surgissaient un hameau de baraques construites de bric et de broc, de planches, de tôles, de pierrailles, dont le carton remplaçait parfois les vitres, au milieu de ruelles boueuses, sans lumière ni eau potable. En bordure de l’unique voie carrossable, l’avenue de la ¨Porte de Vanves se trouvait le seul point d’eau : une borne fontaine, point de rassemblement où les femmes à la queue leu-leu remplissaient leurs récipients, d’autres faisant leur lessive inondant tout l’alentour et où des enfants dénudés, même en hiver, s’y lavaient au milieu des rires et des gerbes d’eau.

Pour moi ce spectacle se répétait quatre fois par jour, allant et venant à travers cette « Zone ». Mais en ce soir du 26 janvier 1940, par un froid glacial, ces hivers de guerre devenus légendaires, cette vision était tout autre : la fontaine avait éclaté libérant une masse d’eau et transformant en patinoire l’unique passage sur toute la largeur !
Déjà le jour tombait. Les gamins sortaient de l’école, en s’en donnant à coeur joie sur leur fond de culotte oubliant le froid et parfois la faim. Mais moi, comment effectuer cette traversée ? Fallait-il rebrousser chemin et rejoindre Malakoff par une autre voie ? Angoisse !..et tout à coup, à l’opposé de ce champ de glace surgit mon père me lançant la bouée du naufragé : une paire de chaussettes de laine, qui enfilées sur mes chaussures et s’agrippant sur l’étendue glacée me rendait possible la traversée.

Pourquoi ce 26 janvier 1940 est-il resté gravé dans ma mémoire ? Parce que ce jour là si le charbon manquait pour chauffer la maison, l’amour familial réchauffait l’atmosphère et que ce jour-là...j’avais 20 ans !. »

Irène 1er juin 2004

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1) Témoignage recueilli à l’occasion du spectacle organisé par l’ACLAM suite à un travail sur la mémoire des anciens de Malakoff.

2) Voir nos fiches sur les noms des rues de Malakoff et leurs dénominations au cours du 19ème et 20ème siècle. Les noms ici cités étaient ceux donnés par Alexandre Chauvelot autour de son parc d’attraction de la Tour Malakoff.

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