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QUAND LES ARCHIVES PARLENT
Malakoff dans la tourmente de 14/18

A partir de la consultation de différentes sources d’archives il est possible de rassembler des informations sur la situation, l’atmosphère et les évènements qui ont marqué la commune il y a cent ans. Bien qu’éloignée du front, la population de Malakoff a souffert. La guerre a eu des conséquences sur la vie quotidienne de l’ensemble de la population. Voici les premiers éléments rassemblés et présentés lors de la rencontre-évocation organisée lors de la cinquième journée de la mémoire et du patrimoine de Malakoff

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A partir de la consultation de différentes sources d’archives il est possible de rassembler des informations sur la situation, l’atmosphère et les évènements qui ont marqué la commune il y a cent ans. Bien qu’éloignée du front, la population de Malakoff a souffert. La guerre a eu des conséquences sur la vie quotidienne de l’ensemble de la population. Voici les premiers éléments rassemblés et présentés lors de la rencontre-évocation organisée lors de la cinquième journée de la mémoire et du patrimoine de Malakoff

1er août 1914, l’ordre de mobilisation 

Des centaines de Malakoffiots doivent rejoindre par leurs propres moyens leur unité. On assiste alors à de gros problèmes pour les services municipaux de Malakoff avec le départ du personnel masculin. Ils fonctionnent au ralenti.

Secours à la population 

Dans l’urgence, la municipalité doit organiser la distribution des secours aux familles des militaires subitement sans ressources. En application de la loi du 5 août 1914 on constitue dans la précipitation les dossiers d’allocation.

Mais, dès ce mois d’août 1914 , c’est toute l’économie qui est paralysée, les restrictions et les désorganisations sont importantes. Pendant deux mois les allocations ne sont pas données aux familles. Un magasin Maggi du centre ville est saccagé et pillé. On imagine la tension populaire dans la ville.

En 1915 les caisses municipales sont vides, le chômage fait des ravages notamment chez les femmes sans ressources. Un fonds municipal du chômage est institué géré par la commune et supervisé par la préfecture

Tout le monde s’y met pour essayer de faire face à la situation

Madame Fourquemin, l’épouse du Maire dirige un ouvroir municipal pour les femmes. L’atelier arrive à travailler pour l’intendance militaire et confectionnera 8000 caleçons pour les poilus.

Un autre ouvroir privé est ouvert avenue Gambetta par les soeurs de Saint Vincent de Paul venues de l’Hôpital Saint Joseph de l’autre côte des fortifications et de la zone.

Des cantines appelées fourneaux économiques sont ouverts par la municipalité. Il y aura même des distributions de pain.

De leur côte les religieuses de l’avenue Gambetta font de même avec l’aide de quelques dames aristocratiques.

Pour répondre aux besoins urgents la municipalité avec l’aide du Département de la Seine organise des stocks de charbons et de légumes secs.

Economie et monnaie 

C’est bien toute l’économie qui fut désorganisée, accompagnée d’une crise de confiance monétaire. Il était difficile de trouver des produits et il était difficile d’avoir des pièces de petite monnaie pour les acheter.

Même les pièces en or, en argent et en bronze se trouvèrent avoir une valeur faciale inférieure à leur masse métallique. Elles furent donc systématiquement thésaurisées par les particuliers. L’Etat cessa leur frappe. Mais ce reflexe de « bas de laine » gagna aussi les petites monnaies en centimes.

L’Etat autorisa le 16 août 1914 l’émission par les municipalités d’une monnaie à condition que l’émetteur l’accompagne d’un dépôt de garantie à la Banque de France. On appela cette émission monétaire « la monnaie de nécessité ». A Malakoff comme ailleurs la pénurie de monnaie fut problématique. Le Conseil municipal décida le 4 août 1917 l’émission de sa propre monnaie de nécessité, des jetons d’aluminium de deux valeurs : 5 centimes et 10 centimes. Ces pièces avaient la forme octogonale. Sur l’avers figurait les armes de la ville et sur le revers la valeur de la pièce.

Côté santé ce n’était pas réjouissant

Le service d’hygiène municipal s’active mais n’est pas encore un vrai service de santé. Il faudra attendre 1924 pour avoir un bureau municipal d’hygiène. Les problèmes sanitaires sont nombreux, Malakoff a beaucoup d’habitations insalubres et une population miséreuse sur la Zone qui jouxte les fortifications (espace de l’autre côte du périphérique désormais).

En 1917 est crée un dispensaire anti-tuberculeux rue Gambetta tant cette maladie fait des ravages.Un témoignage : une malakofiotte de la rue Danicourt exprime ce qu’elle a vécu dans une petite série de textes sur un cahier d’écolier. « Pendant tout ces mois de guerre explique-t-elle la vie continua. Nous avions des cartes d’alimentation, certaines denrées étaient rationnées. Aussi ce n’était pas toujours facile de constituer les colis pour les soldats et les prisonniers.

Les hivers, pendant cette période de guerre, ont été extrêmement froids. En 1916, la Seine charriait des glaçons. Le chauffage étaient presque inexistant, rationné avec des cartes de charbon.

Ma mère nous avait confectionné des sous-vêtements, genre de plastrons en tissus épais qui étaient doublés et à l’intérieur elle y avait mis du papier journal, çà tenait bien chaud. Le midi, pour chauffer un peu la cuisine mais mère faisait chauffer une brique sur le gaz. Je me souviens qu’à l’école l’encre gelait dans les encriers.

En mai 1918, on avait espoir d’une fin prochaine de la guerre. C’est à ce moment là qu’une affreuse épidémie appelée « Grippe espagnole » fit son apparition. On rencontrait des gens le matin et à midi on apprenait qu’ils étaient morts... »

Paroles de poilus

Durant toutes ces années les familles vécurent dans la crainte de perdre un être cher. Les familles de Malakoff ont payé un lourd tribut. Plus de 1000 soldats ne reviendront pas.

On a ces dernières décennies eu un regard bienveillant pour tous ces poilus qui ont écrit du fond de leur tranchée, répétant à leurs familles l’horreur absolu qui les entourait mais aussi leur volonté de retrouver leurs proches.

Lorsqu’on relit ces écrits, les mots ne peuvent que nous inciter au devoir de mémoire, au devoir de vigilance comme au devoir d’humanité.

Que trouve-t-on dans ces documents de poilus Malakoffiots : des pages ou des cartes poignantes, denses. On y retrouve les illusions, l’angoisse, la résignation, le cafard, le désespoir mais aussi l’amour pour l’épouse, la fiancée, les enfants.. (voir l’exposition dans le hall de la Mairie) 

Martin Vaillagou avait une petite entreprise maçonnerie au clos Montholon.Il sera tué avec 16 autres hommes lors d’une embuscade le 15 août 1915. Il répond à son fils Maurice qui demande de lui rapporter un « casque de boche »

« Pour les balles allemandes je pourrais t’en rapporter, pour le casque de Prussien cela n’est pas sûr. Ce n’est pas maintenant le moment de les décoiffer, et puis mon pauvre Maurice, il faut réfléchir que les prussiens sont comme nous. Vois-tu qu’un garçon prussien écrive à son père la même chose que toi et qu’il lui demande un képi français, et si ce papa prussien rapportait un képi à son petit garçon et que ce képi fut celui de ton Papa ? Qu’est-ce que tu en penses ? Tu conserveras cette lettre et tu la liras quand tu seras grand, tu comprendras mieux. A la place du casque de prussien je vais t’envoyer des petites fleurs de primevères que les petits enfants du pays où je suis cueillent ...

Il termine cette lettre en forme de testament. « Vous soulagerez de tous vos efforts votre maman. Vous travaillerez toujours à faire l’impossible pour maintenir la paix et éviter à tout prix cette horrible chose qu’est la guerre. Ah la guerre, que d’horreurs : villages incendiés, animaux périssant dans les flammes, êtres humains déchiquetés par la mitraille, tout cela est horrible. Travaillez mes enfants avec acharnement, créer la prospérité et la fraternité de l’univers. Je compte sur vous et vous dis à bientôt. « Il ne reviendra pas.

André Greffet relate lui un épisode qui est resté gravé dans sa mémoire : « On allait avec un camions chercher des obus. Il fallait traverser un carrefour bombardé tous les quarts d’heure. L’officier voulait qu’on fonce tout de suite. On a refusé et attendu l’accalmie pour passer. Si on avait obéi, on serait mort »

Un autre Malakoffiot écrit « En première ligne et auprès des boches. Il sont comme nous, ils en ont assez ». Ou encore : « Il tombe de l’eau tous les jours. Aussi je vous laisse à penser dans l’état que nous sommes, surtout que la terre, c’est de la glaise. Quelle vie de sauvage ! coucher toujours dessous terre et dans la pourriture et manger comme des cochons. Quand donc la fin. Voila la vie de vos soldats qui sont sur le front ».

Les prisonniers 

Si pour les prisonniers leur sort semble moins dramatique, la vie loin du pays et l’absence des siens, l’inquiétude aussi pour sa famille sont les mots qui reviennent dans les lettres que les prisonniers peuvent écrire en nombre limité à leurs familles. De chaque côté, les lettres sont attendues

Adolphe Rousseau qui habitait rue Danicourt, prisonnier en Allemagne s’adressait beaucoup à ses filles : « C’est avec plaisir que je lis vos lettres par lesquelles je suis vos progrès scolaires. Je vous remercie pour les crottes de chocolat que vous m’avez envoyées, elles étaient excellentes. Je vous recommande bien d’être studieuses, obéissantes, de bien écouter votre petite mère...

Le drame des fusillés 

Pendant la guerre, toutes les armées en campagne disposaient d’une Justice militaire et tous les conseils de guerre des pays belligérants ont prononcé des sentences de morts pour des soldats. En France on a compté plus de 600 fusillés pour des crimes militaires. Cela reste un épisode douloureux qui mobilise encore des associations qui militent pour la réhabilitation des fusillés du monde combattant.

Un auteur-chercheur de Malakoff, Frédéric Mathieu a publié en 2013 un ouvrage de référence « 14 18 les fusillés », répertorié dans le rapport présenté au ministre des anciens combattants sur cette question.On apprend dans ce livre que deux soldats ayant des attache à Malakoff ont été fusillés

Charles Denis fusillé le 30 avril 1916 0à 25 ans. Le jeune homme perturbé par la guerre sera condamné à mort pour abandon de poste et désertions répétées, malgré le témoignage favorable de son caporal et de son sergent. Il est inhumé dans la nécropole nationale de Bar-le-Duc. Son nom figure sur le Monument aux Morts au cimetière de Malakoff.

Charles Billette a été fusillé le 3 octobre 1916, il avait 29 ans. Une forte tête semble-t-il acceptant difficilement l’autorité des officiers. Son passé judiciaire a joué en sa défaveur. Il sera condamné à mort pour refus d’obéissance, abandon de poste en présence de l’ennemi et désertion. Il est inhumé au cimetière de Vroil dans la Marne. Son nom figure sur le Monument aux Morts du cimetière de Malakoff.

Les morts pour la France 

Pour cette période de commémoration de la Grande guerre, nous bénéficions d’un travail remarquable de madame Manuèle Basquin, Vice-Présidente de l’Association des Généalogistes de Vanves-Malakoff. Elle a réalisé pendant plusieurs années un important travail de recherche sur les Malakoffiots morts durant la guerre de 1914-1918. Un beau travail de mémoire (voir sur ce site des informations issues de ses recherches).

Les bombardements sur Malakoff

Pour restituer certains aspects de la vie à Malakoff durant la première guerre mondiale on ne peut ignorer les bombardements allemands sur la région parisienne et notamment Malakoff.

En 1918, les bombardements par canon de longue portée sont devenus l’un des aléas de la vie parisienne à partir du 23 mars.

Le plus impressionnant bombardement qui est resté dans les mémoires, c’est celui de l’église Saint Gervais à Paris le 29 mars, tombé durant l’office catholique du vendredi Saint qui a fait 90 morts et 75 blessés.

Entre le 23 mars et le 7 août 1918 292 bombardements ont fait de nombreux morts et blessés à Paris et en banlieue. Les villes du sud de Paris : Vanves, Montrouge, Chatillon, Bagneux, Fontenay-aux-Roses et Malakoff seront touchées plusieurs fois par la « Grosse bertha ».

Ces bombardements par canon à longue portée constituaient une nouveauté et un défi technologique. Ces bombardements provenaient d’un canon conçu par les ingénieurs allemands Krupp. C’est avec ce canon appelé communément la « Grosse Bertha » que l’état major allemand comptait influer sur le cours de la guerre en faisant fléchir le moral de la population de Paris et sa banlieue.

Ce canon avait une portée inégalée, plus de 100kms. Il fut installé et mis en service par l’armée allemande au printemps 1918 dans le Département de l’Aisne.

Selon les spécialistes cette pièce d’artillerie fut un véritable défi technologique. On comprend la stupéfaction de la population. Il faut savoir que la portée maximale des canons français à l’époque ne dépassait pas 50 kms.

Le plus meurtrier bombardement pour Malakoff fut celui du 11 avril 1918 à 16h16, quand un obus de la grosse bertha tomba sur un jeu de boules d’un café situé à l’angle de la rue Gambetta et Victor Hugo, qui fit 5 tués et 8 blessés.

4 autres bombardements ont terrifié la population de Malakoff : le 29 mai boulevard de Stalingrad, le 28 juin passage du Petit Vanves, le 15 juillet route de Chatillon, le 6 août sur la ligne de chemin de fer Paris Chartres.

Dans son récit, une Malakofiotte qui avait 10 ans en 1918 exprime l’inquiétude des gens de Malakoff : « Lors du premier tir de la grosse bertha nous étions en classe. Les maîtresses firent évacuer l’école et nous nous réfugiâmes dans une cave d’un immeuble voisin. Nous étions éclairés par une bougie. C’était lugubre. Nous avions peur. Des mamans sont venues chercher leurs enfants.

Au début, personne ne savait que c’était un canon qui tirait sur Paris. C’était beaucoup plus inquiétant et pénible que les alertes de raids aériens ennemis réguliers, pour lesquels ont était prévenus du début à la fin du bombardement. Plusieurs bombardements nous ont terrifiés durant plusieurs mois, notamment celui de la rue Gambetta tout près de chez nous... »

Deux faits marquants ont eu lieu à Malakoff liés au dispositif de santé à l’arrière du front.

Locaux réquisitionnés : L’on sait que durant le conflit de 14/18, il y eu des millions de morts et de blessés. Les Services de Santé des Armées ont été submergés et dépassés par l’ampleur et le déroulement du conflit, d’où des réquisitions à tour de bras de tous les bâtiments, locaux, ensembles immobiliers...susceptibles d’être rapidement transformés en établissement de soins ; des hôpitaux auxiliaires.

Ce fut le cas à Malakoff où furent réquisitionnés dès 1914 les locaux de l’école Notre-Dame de France à proximité de la ligne de chemin de fer.

Ces hôpitaux auxiliaires ont été mis sur pied par les trois Sociétés d’assistance de la Croix Rouge Française. C’est l’une de ces Sociétés, l’Union des Femmes de France qui aura la charge de l’hôpital auxiliaire N° 130 implanté à l’école privée Notre Dame de France.

Peu d’information pour l’instant sur et hôpital de 30 lits, une petite structure donc, qui fonctionna du 3 février 1915 au 27 juin 1917.

Posant de nombreux problèmes pour l’instruction, l’utilisation des établissements scolaires furent rendus à leur fonction à partir de 1917 au fur et à mesure de la stabilisation du front et une meilleure vision des conséquences de la guerre. L’hôpital auxiliaire de Malakoff bénéficia de cette disposition.

Au Fort de Vanves : Durant cette longue guerre le Fort de Vanves, situé sur Malakoff depuis la séparation en 1883, a eu un rôle inédit. En 1917, 300 hommes de troupes de trouvaient dans le Fort, notamment la 22ème section d’infirmiers militaires. La présence de cette section d’infirmiers fut le prélude du transfert de la pharmacie centrale des Armées au Fort de Malakoff en 1931, alors installé en partie aux Invalides.

Dès le début du conflit le Service de Santé du faire face à un très sérieux problème, celui de la pénurie de thermomètres médicaux.

Les thermomètres médicaux, d’un usage courant avant la première guerre mondiale étaient exclusivement fabriqués en Allemagne. Quelques modèles avaient bien été crées en France, mais trop coûteux face aux produits allemands.

En 1916, les français percent le secret industriel de la fabrication complexe des thermomètres quand des soldats allemands prisonniers en débutent la fabrication au Fort de Vanves.

Il faut replacer le contexte de guerre . La formation du personnel et l’industrialisation de la fabrication des thermomètres demandaient de gros efforts industriels et de l’argent. C’est Justin Godart, alors sous-secrétaire d’état au service de santé militaire qui décida de créer un atelier militaire au Fort de Vanves de fabrication de thermomètres médicaux.

Cela fut possible en réunissant une cinquantaine de prisonniers allemands sachant faire ce travail. Cet atelier parvint rapidement à livrer à l’armée les thermomètres dont elle avait besoin et à assurer la formation des travailleurs souffleurs de verre.

Après la guerre beaucoup de nouveaux ateliers dirigés par des anciens élèves verront le jour qui participeront à l’essor d’une véritable industrie du thermomètre en France.

Quelques initiatives pour le souvenir et la solidarité qui ont suivi l’après guerre 

- L’armistice du novembre 1918 sonne la fin de la Grande guerre En décembre le Conseil Municipal vote l’érection d’un monument aux morts et lance une souscription publique. Le monument sera inauguré en 1926 au cimetière municipal et portera le nom de tous les Malakoffiots morts pour la France. Une liste de près de 1000 noms.

- En novembre 1919, en hommage à tous les orphelins de la commune un arbre des pupilles de la nation est planté dans le cimetière.

- L’avenue nouvelle qui part de la place des écoles vers l’avenue Gabriel Péri prend le nom de Président Wilson en décembre 1918 en hommage aux services rendus par Etats-Unis à la cause de la France et des Alliés dans Première Guerre mondiale. (28ème président des Etats-Unis (1913/1921), à l’origine de la Société des Nations, prix Nobel de la paix en 1919).

- En décembre 1920 on donne à la place des écoles le nom de place du 11 novembre 1918

- A l’issue de la loi de 1920, en concertation avec le « Souvenir Français aménagement du Carré militaire au cimetière communal. 161 soldats morts en 14/18.

- Des plaques en l’honneur des instituteurs tombés au champ d’honneur sont apposées dans les écoles.

- La Mairie rue Victor Hugo se pare en 1924 de deux plaques nominatives rendant hommage aux morts pour la France. Ces plaques seront réutilisées sur le monument du souvenir dans la cour de la Maison de la vie associative.

Ultime initiative publique en 1922

Alors que Malakoff se remet encore difficilement de la guerre, la commune répond à l’appel national de parrainage d’une commune dévastée par la guerre. Elle choisira la petite commune d’Aspach-le-Bas située dans le Haut-Rhin totalement détruite par les combats. Sa première contribution à la commune filleule portera sur l’envoi de vêtements, de chaussures, de fournitures scolaires et de bureau et d’un matériel d’incendie.

Le Conseil municipal votera le soutien à différents projets proposés par la commune d’Aspach-le-Bas : du matériel pédagogique pour l’école, la reconstruction de la mairie-école, l’achat d’un terrain pour l’agrandissement de la cour de l’école et l’achat et l’installation d’un pont à bascule pour permettre une rentrée d’argent pour les finances locales.

Malakoff contribuera également à la réfection de la rue principale du village qui portait le nom de « rue de Malakoff ». L’aide totale financière accordée par la ville de Malakoff s’est élevée à 18000 francs de l’époque.

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(Intervention rencontre-évocation du 8 novembre 2014 par Jacques Hamon)

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SECOURS AUX BLESSES
L’ambulance hippomobile de la section de Malakoff de l’Union des Femmes de France

Durant la Première Guerre Mondiale le transport des malades et des blessés depuis la gare Vanves-Malakoff ou des hôpitaux du sud de Paris était effectué à la convenance de la société d’assistance localement concernée. La section de Malakoff de l’Union des Femmes de France, membre de la Croix-Rouge possédait son propre fourgon-ambulance hippomobile.

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Durant la Première Guerre Mondiale le transport des malades et des blessés depuis la gare Vanves-Malakoff ou des hôpitaux du sud de Paris était effectué à la convenance de la société d’assistance localement concernée. La section de Malakoff de l’Union des Femmes de France, membre de la Croix-Rouge possédait son propre fourgon-ambulance hippomobile.

L’Union des Femmes de France fondée en 1881 avait pour objet « la préparation et l’organisation des moyens de secours qui, dans toute localité, peuvent être mis à la disposition des blessés ou malades de l’armée française ». L’UFF qui fut l’une des trois sociétés qui formaient la Croix-Rouge avant 1940 (1) avait donc sa section à Malakoff. Ses membres furent très actives durant la Première Guerre Mondiale avec notamment la gestion de l’hôpital auxiliaire N°130 installé dans les locaux de l’école Notre-Dame près de la gare Vanves-Malakoff, le soutien aux soldats sur le front et les prisonniers, l’organisation de vente de charité et de spectacles pour recueillir des fonds. Elle assurait également le transport des blessés avec son ambulance spéciale hippomobile.

Un fourgon fonctionnel dédié au transport des blessés

Cette voiture qui portait déjà le logo de la Croix-Rouge se composait d’une caisse d’environ 2,50m de long par 1,50m de hauteur et de largeur, montée sur quatre roues et suspendues par des ressorts. Elle était divisée en deux parties : celle de l’avant comportant la banquette fixe sur laquelle se plaçaient deux personnes dont le cocher. La partie arrière, une caisse fermée, renfermait deux banquettes mobiles qui se rabattaient contre les façades latérales qui lorsqu’elles ne recevaient pas de blessés assis, libéraient tout l’espace pour placer les brancards destinés aux blessés couchés. L’ambulance s’ouvrait entièrement par l’arrière par une porte à deux battants. Elle était tirée par un cheval harnaché.

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1) La Croix-Rouge à ses débuts englobait trois sociétés : la Société de Secours aux Blessés Militaires, l’Association des Dames Françaises, l’Union des Femmes de France. Ces trois sociétés fusionnent officiellement le 7 août 1940 pour créer la Croix-Rouge Française.

 

 Le fourgon-ambulance de l’Union des Femmes de France sur la place des écoles de Malakoff durant la Première Guerre Mondiale

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BOMBARDEMENTS
Les obus des canons de la "Grosse Bertha" frappent Malakoff

On ne peut ignorer les bombardements allemands sur la région parisienne et notamment Malakoff entre mars et août 1918. Cinq bombardements de la "Grosse Bertha" ont terrorisé la population de Malakoff. Il y a eu des morts et des blessés.
Selon les spécialistes cette pièce d’artillerie fut un véritable défi technologique. On comprend la stupéfaction de la population. Il faut savoir que la portée maximale des canons français à l’époque ne dépassait pas 50 kms.

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On ne peut ignorer les bombardements allemands sur la région parisienne et notamment Malakoff entre mars et août 1918. Cinq bombardements de la "Grosse Bertha" ont terrorisé la population de Malakoff. Il y a eu des morts et des blessés.
Selon les spécialistes cette pièce d’artillerie fut un véritable défi technologique. On comprend la stupéfaction de la population. Il faut savoir que la portée maximale des canons français à l’époque ne dépassait pas 50 kms.

En 1918, les bombardements par canon de longue portée sont devenus l’un des aléas de la vie parisienne à partir du 23 mars. Le plus impressionnant bombardement qui est resté dans les mémoires, c’est celui de l’église Saint Gervais à Paris le 29 mars, tombé durant l’office catholique du vendredi Saint qui a fait 90 morts et 75 blessés.

Entre le 23 mars et le 7 août 1918 292 bombardements ont fait de nombreux morts et blessés à Paris et en banlieue. Les villes du sud de Paris : Vanves, Montrouge, Chatillon, Bagneux, Fontenay-aux-Roses et Malakoff seront touchées plusieurs fois par la « Grosse bertha ».

Ces bombardements par canon à longue portée constituaient une nouveauté et un défi technologique. Ces bombardements provenaient d’un canon conçu par les ingénieurs allemands Krupp. C’est avec ce canon appelé communément la « Grosse Bertha » que l’état major allemand comptait influer sur le cours de la guerre en faisant fléchir le moral de la population de Paris et sa banlieue.

Ce canon avait une portée inégalée, plus de 100kms. Il fut installé et mis en service par l’armée allemande au printemps 1918 dans le Département de l’Aisne.

Des obus de la "Grosse Bertha" frappent Malakoff 

Le plus meurtrier bombardement pour Malakoff fut celui du 11 avril 1918 à 16h16, quand un obus de la grosse bertha tomba sur un jeu de boules d’un café situé à l’angle de la rue Gambetta et Victor Hugo, qui fit 5 tués et 8 blessés.

4 autres bombardements ont terrifié la population de Malakoff : le 29 mai boulevard de Stalingrad, le 28 juin passage du Petit Vanves, le 15 juillet route de Chatillon, le 6 août sur la ligne de chemin de fer Paris Chartres.

Dans son récit, une Malakofiotte qui avait 10 ans en 1918 exprime l’inquiétude des gens de Malakoff : « Lors du premier tir de la grosse bertha nous étions en classe. Les maîtresses firent évacuer l’école et nous nous réfugiâmes dans une cave d’un immeuble voisin. Nous étions éclairés par une bougie. C’était lugubre. Nous avions peur. Des mamans sont venues chercher leurs enfants.

Au début, personne ne savait que c’était un canon qui tirait sur Paris. C’était beaucoup plus inquiétant et pénible que les alertes de raids aériens ennemis réguliers, pour lesquels ont était prévenus du début à la fin du bombardement. Plusieurs bombardements nous ont terrifiés durant plusieurs mois, notamment celui de la rue Gambetta tout près de chez nous... »

(Recherches en cours)

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UN BRAVE DE MALAKOFF
Eloge posthume du Poilu Emery

Les familles qui ont perdu un soldat au front ont souvent reçu une lettre de la part d’un officier proche de la victime. Voici la lettre du Capitaine qui avait sous ses ordres le brigadier Bernard François Emery né le 25 août 1892 et tué le jour de son anniversaire le 25 août 1914 à 22 ans et dont les parents habitaient au 29 rue du Marché à Malakoff. Lorsque sa batterie se trouvant dans une situation critique, il s’était joint aux servants de sa pièce dont il commandait les attelages lors de la bataille des frontières d’août 1914. Le 31 mai 1915, il fut cité à l’ordre de sa division pour sa « vaillante conduite ».

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Les familles qui ont perdu un soldat au front ont souvent reçu une lettre de la part d’un officier proche de la victime. Voici la lettre du Capitaine qui avait sous ses ordres le brigadier Bernard François Emery né le 25 août 1892 et tué le jour de son anniversaire le 25 août 1914 à 22 ans et dont les parents habitaient au 29 rue du Marché à Malakoff. Lorsque sa batterie se trouvant dans une situation critique, il s’était joint aux servants de sa pièce dont il commandait les attelages lors de la bataille des frontières d’août 1914. Le 31 mai 1915, il fut cité à l’ordre de sa division pour sa « vaillante conduite ».

« Vous avez dû être hélas averti par les voies réglementaires, qu’il ne m’appartenait pas de devancer, du terrible malheur qui vous a atteint, je me fais un devoir de profiter d’un moment de liberté pour venir vous apporter en même temps que l’assurance de ma bien vive sympathie quelques détails sur la fin de votre fils.

Je puis vous dire, Monsieur, en toute sincérité, que parmi les pertes que j’ai eues hélas à déplorer depuis le commencement de cette terrible guerre, dans ma batterie, nulle ne m’a été plus sensible.

Votre fils m’avait demandé instamment au moment du départ à suivre ses camarades bien qu’il fut empêché de monter à cheval depuis quelques temps. Je n’avais d’ailleurs déféré à son désir qu’après avis du médecin, et il me paraissait pas souffrir particulièrement des premières fatigues souvent très grandes cependant, de la campagne. Je l’appréciais et tous l’appréciaient pour son intelligence et son bon vouloir ; il était de ceux auxquels j’eusse songé des premiers pour en faire des sous-officiers. Hélas pour lui, le ciel en avait décidé autrement et la mort d’un brave lui était réservée dans l’un de nos premiers combats.

C’est près de Marville, le 25 août. Ma batterie avait été envoyée la veille au soir avec un détachement d’infanterie dans la direction des lignes Prussiennes. Au matin, sous le coup d’une attaque par des forces très supérieures, nous recevons l’ordre de nous replier sur Marville. Opération délicate et périlleuse où j’ai hélas payé la fierté de la belle tenue de toute ma troupe, du sang le meilleur répandu.

Nous avions été obligés de mettre en batterie pour nous dégager d’assaillants ennemis débouchant à quelques centaines de mètres, et nous faisions sur eux un feu furieux. Votre fils était à son poste, servant sa pièce avec entrain et sang-froid. Je me trouvais à proximité lorsqu’une balle l’a atteint à la tête. Je ne crois pas qu’il ait souffert.

Au passage, je me suis penché près de lui et l’ai embrassé au front pour lui donner l’adieu de tous ses camarades. Et ceux-ci redoublèrent d’ardeur comme pour le venger. Je n’oublierai jamais ce moment. Bien d’autres sont tombés, mais pour moi, la fin de votre fils symbolise la belle mort, la mort du soldat frappé à son poste dans l’activité de la lutte, fin sublime dans sa simplicité et qui renferme en elle toutes les meilleures consolations qu’il est possible d’envier en face d’un tel malheur.

Vous pensez, Monsieur, quelles sont les préoccupations du commandement dans de telles circonstances. Pendant les quelques secondes consacrées à votre pauvre enfant, j’y ai mis tout mon coeur. Le devoir m’appelait ensuite ailleurs. J’avais la charge de sauver ma batterie le plus honorablement de cette périlleuse situation. Lorsque nous pûmes songer à regagner nos lignes, les blessés seuls purent être enlevés.

Le corps de votre pauvre fils a dû ensuite être inhumé non loin de l’endroit où il est tombé. C’était près d’un calvaire au débouché du hameau de Ham-les-Saint-Jean vers Marville. L’armée française a dû le soir se replier vers la Meuse ; je ne puis à mon grand regret vous donner d’autres détails.

Mais, si Dieu veut que je revienne moi-même de cette guerre, je me tiendrai personnellement à votre disposition non seulement pour vous fournir les indications, mais encore pour vous conduire à l’endroit où votre enfant est tombé en brave. C’est un endroit que je retrouverais les yeux fermés tant que je vivrai.

Croyez en attendant, monsieur, à la part sincère que je prends à votre affliction. Je ne pense pas sans la plus profonde émotion à la douleur de la pauvre mère, lorsque lui est parvenue la fatale nouvelle. Veuillez le lui dire et l’assurer de ma bien respectueuse sympathie et partagez avec elle, l’expression de mes sentiments de vive condoléance ».

J.J Capitaine

Infos sur la bataille de Marville

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Le nom du Brigadier Bernard-François Emery figure sur le Monument aux Morts du cimetière de Malakoff.

Lettre publiée dans le Journal Vanves-Malakoff-Montrouge du 31 juillet 1915.

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TESTAMENT
Lettre du Malakoffiot Martin Vaillagou à son fils Maurice

Collectée dans le cadre d’un vaste appel de Radio France Bleue (plus de 8000 lettres de poilus collectées) les lettres du Poilu Martin Vaillagou, un Malakoffiot habitant le Clos Montholon fait l’objet de multiples reprises car elle exprime des sentiments forts qui touchent encore aujourd’hui. Ainsi les lettres servent pour des dissertations, les pacifistes la citent volontiers. Elles sont retenues dans des spectacles de lectures-choisies, figurent sur de nombreux sites internet et illustrent même quelques vignettes d’une Bande Dessinée. Jean-Pierre Guéno, ancien directeur des Editions à Radio France l’a mise à l’honneur dans son ouvrage « Paroles de Poilus ».

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Collectée dans le cadre d’un vaste appel de Radio France Bleue (plus de 8000 lettres de poilus collectées) les lettres du Poilu Martin Vaillagou, un Malakoffiot habitant le Clos Montholon fait l’objet de multiples reprises car elle exprime des sentiments forts qui touchent encore aujourd’hui. Ainsi les lettres servent pour des dissertations, les pacifistes la citent volontiers. Elles sont retenues dans des spectacles de lectures-choisies, figurent sur de nombreux sites internet et illustrent même quelques vignettes d’une Bande Dessinée. Jean-Pierre Guéno, ancien directeur des Editions à Radio France l’a mise à l’honneur dans son ouvrage « Paroles de Poilus ».

Jean-Pierre Guéno exprime dans son ouvrage tout l’intérêt des écrits de Martin Vaillagou. « Personnellement, je ne cesse de penser à la lettre du soldat Martin Vaillagou qui écrit à son fils, fin août 1914, au moment des pires tueries, et alors qu’il a toutes les raisons d’être animé par les pires intentions d’homicides à l’encontre des Allemands. Comme la plupart des Poilus, il a perdu un tiers de ses amis d’enfance. Ils ont été mobilisés au même endroit, il les a vus, étripés, le ventre à l’air, explosés. Et que dit-il à ses enfants ? « Jusqu’à présent mes enfants, les hommes n’ont su que s’entre-déchirer, c’est à vous que reviendra la tâche qui consistera à bâtir la fraternité universelle et l’Europe de demain. » J’ai toujours été surpris de ne pas trouver dans les lettres de Poilus - ou si peu - de traces de haine « anti-boche ». Ce qui m’a toujours frappé dans les lettres des poilus, c’est au contraire leur humanité, cet entêtant refus de diaboliser l’ennemi ».

Qui est donc ce poilu de Malakoff dont les écrits trouvent un tel écho ?

Martin Vaillagou est né le 28 juillet 1875 dans le Quercy. Il a épousé sa femme Eugénie en 1900 et il est venu vivre avec elle à Malakoff, dans le quartier du Clos Motholon, au sud de la ville, près du Fort militaire de Vanves, au 7sentier des Garrements. Là, ils ont fondé ensemble une entreprise de maçonnerie qui est devenue prospère. Deux enfants sont nés : Maurice en 1904, Raymond en 1909... Martin était admirateur de Jaurès et poète à ses heures. Mobilisé* comme ses quatre frères, le soldat Vaillagou à été « tué à l’ennemi » il avait 35 ans, avec seize autres hommes lors d’une embuscade au coeur du petit bois des Bouleaux dans la région de Mourmelon (Marne), le 25 août 1915, un mois avant la mort de deux de ses frères, tués le même jour et au même endroit. Le corps de Martin Vaillagou reviendra du front et sera inhumé le14 mai 1922 dans la sépulture familiale au cimetière de Malakoff (Allée E 668). Son nom figure sur le Monument aux Morts de Malakoff.

Maurice, son fils aîné qui lui demandait de lui rapporter des balles ennemies et un casque de Prussien (objet d’une lettre reproduite ci-dessous), a dû travailler après la mort de son père dans une entre­prise de produits chimiques. Il est mort d’une leucémie foudroyante en janvier 1918, trois ans après son père. Il avait quatorze ans.

Correspondance destinée à son fils Maurice qui lui demandait notamment de lui rapporter un casque de boche.

... « Je vais exaucer les voeux à Maurice dans la mesure du possible. D’abord pour les lignes de combat, je vais tra­cer un plan au dos de cette feuille que tu pourras suivre et expliquer à maman, à moins que maman comprenne mieux que Maurice. Pour les balles allemandes, je pour­rais le faire. J’en apporterai quand je reviendrai. Pour le casque de Prussien, cela n’est pas sûr. Ce n’est pas main­tenant le moment d’aller les décoiffer. Il fait trop froid, ils pourraient attraper la grippe. Et puis, mon pauvre Maurice, il faut réfléchir que les Prussiens sont comme nous. Vois-tu qu’un garçon prussien écrive à son père la même chose que toi et qu’il lui demande un képi de Français, et si ce papa prussien rapportait un képi de Français à son petit garçon et que ce képi fut celui de ton papa ? Qu’est ce que tu en penses ? Tu conserveras ma lettre et tu la liras plus tard quand tu seras grand. Tu comprendras mieux.

A la place du casque de Prussien, je vais t’envoyer à toi, à Raymond, maman peut les rece­voir aussi, des petites fleurs de primevères que les petits enfants (garçons et filles) du pays où je suis cueillaient autrefois et qui faisaient leur joie, et que moi, le grand enfant, j’ai cueilli cette année dans leur jardin pour te les envoyer. (Je ne les vole pas, elles se perdraient tout de même.) Je vous les envoie pour que vous pensiez un peu à leur malheur de n’être plus dans leur maison. Je vois, je mets même mes ustensiles de cuisine sur un petit dodo de ces petits enfants. Il y en a là deux, même que je ne peux voir sans penser à vous et les larmes aux yeux me disent que vous êtes tout de même heureux par rap­port aux autres... »

... « Du champ de dévastation où nous sommes, je vous envoie ce bout de papier avec quelques lignes que vous ne pouvez encore comprendre. Lorsque je serai revenu, je vous en expliquerai la signification. Mais si le hasard voulait que nous ne puissions les voir ensemble, vous conserverez ce bout de papier comme une précieuse relique ; vous obéirez et vous soulagerez de tous vos efforts votre maman pour qu’elle puisse vous élever et vous instruire jusqu’à ce que vous puissiez vous instruire vous-même pour comprendre ce que j’écris sur ce bout de papier. Vous travaillerez toujours à faire l’impossible pour maintenir la paix et éviter à tout prix cette horrible chose qu’est la guerre. Ah ! la guerre quelle horreur !... villages incendiés, animaux périssant dans les flammes. Etres humains déchiquetés par la mitraille : tout cela est horrible. Jusqu’à présent les hommes n’ont appris qu’à détruire ce qu’ils avaient créé et à se déchirer mutuelle­ment. Travaillez, vous, mes enfants avec acharnement à créer la prospérité et la fraternité de l’univers. Je compte sur vous et vous dis au revoir probablement sans tarder. Votre père qui du front de bataille vous embrasse avec effusion

Suippes (Marne), le 26 août 1914

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*Martin Vaillagou du 247ème Régiment d’Infanterie, 21ème Compagnie. Matricule 18556/296. Classe 1895, Cahors, venu du 131ème Régiment d’Infanterie

*Lettres extraites de « Les Poilus - Lettres et témoignages des Français dans la Grande Guerre (1914-1918), Jean-Pierre Guéno, Librio n°1083, 2013, édition du centenaire, pp. 37-3

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UN COMBATTANT PATRIOTE
Lettre du soldat blessé Eugène Villain au Maire de Malakoff

Eugène Villain originaire de Malakoff, blessé pour la deuxième fois lors des combats en Champagne en 1917* et en traitement à Arcachon a adressé à Edouard Fourquemin, Maire de Malakoff, une lettre dans laquelle il lui fait part de ses impressions sur l’assaut auquel il a participé et sur la victoire qu’il a remporté avec ses camarades de tranchées.

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Eugène Villain originaire de Malakoff, blessé pour la deuxième fois lors des combats en Champagne en 1917* et en traitement à Arcachon a adressé à Edouard Fourquemin, Maire de Malakoff, une lettre dans laquelle il lui fait part de ses impressions sur l’assaut auquel il a participé et sur la victoire qu’il a remporté avec ses camarades de tranchées.

« ...Tout était préparé depuis quelques jours d’une façon superbe. Nous étions montés aux tranchées, le 24 au soir, sous un bombardement d’enfer de nos grosses pièces et de notre 75. Nous avions l’ordre de nous placer en première ligne*. Car il faut vous dire que quand nous avions pris possession de ce secteur, nous étions à 800 mètres des Boches, mais par notre travail nous sommes parvenus à établir notre tranchée de première ligne à 75 mètres de la première ligne boche. C’est donc de cette première ligne que nous nous sommes élancés. Nous sommes restés toute la nuit à plat ventre dans cette tranchée, car la hauteur de notre parapet ne nous permettait pas de nous tenir debout. Nous attendions donc l’heure de bondir, pendant que notre artillerie arrosait d’une belle façon les Boches qui, eux, ne répondaient que faiblement.

Enfin vers 6 heures du matin arrive. L’attaque devait avoir lieu à 9 heures 15 exactement ; les officiers nous font signe de nous préparer, ce qui fut fait dans le plus grand silence. Jugez si notre attente fut longue de 6 heurs à 9 heures. Enfin, 9 heures 15 arrive et, au signal donné, ah ! quel élan : nous bondissons comme des lions sur les 1ère, 2ème et 3ème lignes Boches car nous avions ordre de ne pas nous arrêter dans leurs tranchées, les pionniers nous suivaient derrière se chargeant de nettoyer le reste des Boches. Alors nous pûmes constater l’effet de notre artillerie et surtout de nos torpilles. C’était plein de cadavres et de blessés ennemis, les survivants étaient complètement fous, ahuris par les effets du bombardement.

Nous continuons donc notre route jusqu’à proximité de la voie ferrée qui va de X à Y ; Donc leur ravitaillement était coupé.

Arrivé à la voie ferrée, soudain une fusillade partant d’un bois nous accueille. Vite nous leur répondons et notre brillante artillerie se charge de les réduire au silence. Quand soudain une marmite boche * éclate derrière moi et me blesse à l’épaule gauche et en même temps une balle m’arrive dans la cuisse. Alors ne pouvant m’n aller de suite, je restai dans un trou d’obus attendant l’heure de pouvoir sortir. Blessé à 2 heures de l’après-midi, j’arrivais au poste de secours à 7 heures du soir d’où je fus dirigé sur l’hôpital de Bouy.

Mais mes camarades avançaient toujours. Allons ! compagnons d’espoir et courage. La France peut être fière de ses enfants et nous espérons tous que cette offensive ne s’arrêtera que quand ces bandits seront rentrés chez eux. J’ai pris part à la lutte en compagnie de mon camarade Foulon, fils de notre distingué conseiller municipal et il allait bien lorsque je l’ai quitté.

Allons, vive la France ! vive Malakoff ! sus à ces bandits allemands".

Eugène Villain

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Notes : sources CRID 14/18

*La bataille des Monts de Champagne : épisode de la Premère Guerre Mondiale qui se déroule du 17 avril au 20 mai 1917. Elle est parfois désignée troisième bataille de Champagne.

*Lignes : Le creusement des tranchées à l’automne 1914 amène à distinguer en « lignes » les zones du front et les tranchées qui y sont creusées. La première ligne est ainsi celle qui fait directement face aux lignes adverses, c’est la zone la plus dangereuse, où les combattants font des séjours généralement brefs (de l’ordre d’une semaine) hors des grandes batailles qui conduisent à rester longtemps en « ligne ». L’intervalle entre les lignes est variable, et la communication se fait par des boyaux. Une fois la guerre de tranchée installée dans la durée, le réseau défensif s’organise en profondeur. Chaque ligne est une suite continue de tranchées ou de fortins, et un ensemble de ligne constitue une position. Dans la plaine de Reims, au moment de l’offensive du Chemin des Dames, il y a souvent trois positions allemandes successives, chacune constituée de plusieurs lignes.

* Boches : Le mot boche commence à se répandre dans l’argot militaire à partir de la guerre franco-allemande de 1870. Il est surtout popularisé par les Poilus dans les tranchées de la Grande Guerre, sans être systématiquement empreint d’animosité, avant de passer dans le langage commun.

* Parapet : Rebord de la tranchée qui fait face à la tranchée adverse. Il constitue à la fois une protection (renforcée par des barbelés et des sacs de sable) et un obstacle à escalader lors des attaques ou des départs pour patrouilles et coups de main. Une des règles primordiales de la guerre des tranchées consiste à ne rien exposer à l’adversaire au-dessus du parapet.

*Marmite boche : Dans l’argot des combattants, désignation des projectiles allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer sans doute en raison de leur forme et de leur poids.

 *Nettoyage : Mise hors d’état de nuire des ennemis restés dans les tranchées en deçà de la progression des troupes d’assaut. Très importante puisqu’elle consiste à s’assurer qu’on ne laisse d’ennemis dans son dos, la mission de nettoyage de tranchées a donné lieu à toute une série de récits sanglants ou de mythes plus ou moins conformes à la réalité. Des unités étaient spécialisées dans ces opérations qui se faisaient à l’arme de poing, à la grenade ou plus rarement au couteau.

 Lettre publiée dans l’hebdomadaire Vanves-Malakoff-Montrouge novembre 1915 (AD92)

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22 JUILLET 1922
Malakoff adopte Aspach-le-Bas, commune dévastée par la guerre

En 1921 une décision ministérielle invite les communes de France épargnées par les destructions à adopter comme filleule une commune des régions françaises sinistrées afin d’apporter aux populations de ces zones dévastées par les combats de 14-18 un secours matériel. Proposée par l’Union des Grandes Associations Françaises pour l’Essor National présidée par le Président Poincaré, l’initiative fut validée par le gouvernement Doumergue. Le Conseil Municipal de Malakoff décide le 22 juillet 1922 d’adopter le village d’Aspach-le-Bas situé dans le Haut-Rhin.

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En 1921 une décision ministérielle invite les communes de France épargnées par les destructions à adopter comme filleule une commune des régions françaises sinistrées afin d’apporter aux populations de ces zones dévastées par les combats de 14-18 un secours matériel. Proposée par l’Union des Grandes Associations Françaises pour l’Essor National présidée par le Président Poincaré, l’initiative fut validée par le gouvernement Doumergue. Le Conseil Municipal de Malakoff décide le 22 juillet 1922 d’adopter le village d’Aspach-le-Bas situé dans le Haut-Rhin.

La solidarité des communes marraines selon le projet ministériel devait s’exercer sous la forme de dons en argent ou en nature, par l’achat de matériels et le financement de travaux d’équipements divers. 

Alors que Malakoff se remet encore difficilement de la guerre, la commune répond malgré tout à l’appel national de parrainage d’une commune dévastée par la guerre : Aspach-le-Bas village du Haut-Rhin totalement détruit par les combats.

La première contribution votée par le Conseil municipal de Malakoff à la commune filleule Alsacienne portera sur l’envoi de vêtements, de chaussures, de fournitures scolaires et de bureau et d’un matériel d’incendie.

Le Conseil municipal votera par la suite sur les budgets de 1923 et 1924 le soutien à différents projets proposés par la commune d’Aspach-le-Bas : du matériel pédagogique pour l’école, la reconstruction de la mairie-école, l’achat d’un terrain pour l’agrandissement de la cour de l’école et l’achat et l’installation d’un pont à bascule pour permettre une rentrée d’argent pour les finances locales. Malakoff contribuera également à la réfection de la rue principale du village qui portait le nom de « rue de Malakoff ».

L’aide totale financière accordée par la ville de Malakoff s’est élevée à 18000 francs de l’époque.

De leur côté, les chrétiens de la paroisse catholique de Malakoff organisèrent des quêtes en faveur de la reconstruction d’Aspach-le-Bas.

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1914-1918 LETTRES DU FRONT
Le cri d’un soldat de Malakoff

1914 : Alexandre M. habite Malakoff, il a 35 ans, veuf, avec un fils qu’il doit confier à ses parents lorsqu’il est mobilisé pour la guerre. Le 2ème classe du 31ème Territorial et de la 11ème Compagnie participera aux combats en Champagne, en Argonne, à Verdun et au Chemin des Dames, où il sera fait prisonnier le 27 mai 1918. C’est dans les mines de charbon d’Allemagne qu’il terminera la guerre. Rapatrié en 1919, il assistera au défilé de la Victoire le 14 juillet à Paris. Tout au long de cette épreuve, il écrira à ses parents, à sa soeur, puis à sa femme épousée en 1917 lors d’une permission. Dans ses lettres précieusement gardées par sa famille il témoignera sans fard sur l’horreur de la guerre.

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1914 : Alexandre M. habite Malakoff, il a 35 ans, veuf, avec un fils qu’il doit confier à ses parents lorsqu’il est mobilisé pour la guerre. Le 2ème classe du 31ème Territorial et de la 11ème Compagnie participera aux combats en Champagne, en Argonne, à Verdun et au Chemin des Dames, où il sera fait prisonnier le 27 mai 1918. C’est dans les mines de charbon d’Allemagne qu’il terminera la guerre. Rapatrié en 1919, il assistera au défilé de la Victoire le 14 juillet à Paris. Tout au long de cette épreuve, il écrira à ses parents, à sa soeur, puis à sa femme épousée en 1917 lors d’une permission. Dans ses lettres précieusement gardées par sa famille il témoignera sans fard sur l’horreur de la guerre.

« Comme pour se libérer, commente sa fille, il a raconté, raconté...Les assauts à la baïonnette où les hommes oubliaient qu’ils étaient des hommes. Les champs de bataille couverts de corps dépecés, éventrés. Les hommes appelant leur mère. Le sentiment de solitude loin de ceux que l’on aime. Le désir de rentrer ».

 « J’espère que je pourrai venir vous voir et vous embrasser tous. Depuis trois mois, je couche sur la paille et je fais des tranchées » (6/6/1914)

« En première ligne et à 400m des boches...Ils sont comme nous, ils en ont assez » (6/6/1915)

« C’est terrible car voilà plus de 15 jours que le canon donne d’un côté et de l’autre. Si seulement cela pouvait faire finir la guerre » (10/7/1915)

« Il tombe de l’eau tous les jours. Aussi je te laisse penser dans l’état que nous sommes, surtout que la terre c’est de la glaise. Quelle vie de sauvage ! coucher toujours dessous terre et dans la pourriture et manger comme des cochons. Quand donc la fin ! voilà le cri des soldats qui sont sur le front » (25/7/1915).

« Il y a de tout, rats, souris, poux, puces et des mouches, et pour dormir il faut être bien fatigué » (13/8/1915).

« De la neige, de l’eau, du froid et dans la boue jusqu’à la cheville... Ce n’est pas la guerre qui se fait, c’est une boucherie et la fin ne ferait pas mal de venir car les hommes commencent à se faire rares des deux côtés » (20/11/1915)

« Depuis un mois nous faisons le ravitaillement des tranchées de la première ligne en eau, grenades, fusées, torpilles et crapouillots de jour et de nuit. Ce n’est guère le filon car les marmites boches tombent souvent sur nous. Voilà 28 jours que je ne me suis pas débarbouillé ni changé de linge, ainsi tu dois penser si les poux font des petits car nous en sommes pourris. Ceux qui parlent d’aller jusqu’au bout seraient bien dans le coin car ils demanderaient vivement la fin de la guerre » (30/7/1916, Verdun).

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Témoignage extrait de Malakoff infos, décembre 1996.

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TEMOIGNAGE
Incorporé à 18 ans et 4 mois

André Greffet, ancien poilu, décoré de la Croix de guerre et Chevalier de la Légion d’Honneur, membre de l’Union locale des Anciens Combattants et Victimes de Guerre de Malakoff durant de nombreuses années, témoignait dans Malakoff Infos à l’occasion des commémorations du 80ème anniversaire de la fin de la Grande guerre (1998) conscient de l’importance de la transmission de la mémoire. Le message de cette journée fut celui du droit des peuples à vivre dans la paix et dans la dignité, du rejet de la fatalité de la guerre, de l’action inlassable pour l’amitié entre les peuples.

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André Greffet, ancien poilu, décoré de la Croix de guerre et Chevalier de la Légion d’Honneur, membre de l’Union locale des Anciens Combattants et Victimes de Guerre de Malakoff durant de nombreuses années, témoignait dans Malakoff Infos à l’occasion des commémorations du 80ème anniversaire de la fin de la Grande guerre (1998) conscient de l’importance de la transmission de la mémoire. Le message de cette journée fut celui du droit des peuples à vivre dans la paix et dans la dignité, du rejet de la fatalité de la guerre, de l’action inlassable pour l’amitié entre les peuples.

André Greffet* a 16 ans à la déclaration de la guerre en 1914. Incorporé le 16 avril 1917, à l’âge de 18 ans et 4 mois, au 2ème bataillon de chasseur à pied près de Troyes, il « fait ses classes » pour être estafette sur moto BSA. Faute de matériel suffisant, il est affecté au 283ème d’artillerie lourde. « Servant de 155 courts », il participe aux préparations d’artillerie avant les offensives près de Verdun, Craone, Laon, Montdidier, au Chemin des Dames.

Après l’Armistice, il part en Allemagne comme dépanneur avec un convoi de camions. Après plusieurs mois d’occupation, il revient à la vie civile en 1919 et se marie avec une jeune femme rencontrée dans le train lors d’une permission.

Avec l’âge, les noms de lieux et les dates se brouillent, mais la douleur de la perte des camarades demeure intacte. Un épisode reste gravé « On allait avec un camion chercher des obus. Il fallait traverser un carrefour bombardé tous les quarts d’heure. L’officier voulait qu’on fonce tout de suite. On a refusé et attendu l’accalmie pour passer. Si on avait obéi, on serait mort ».

André Greffet évoque aussi la boule de pain et de quart de « vinasse » qui étaient l’ordinaire du poilu, la cantine roulante qui n’arrivait pas toujours à cause des obus, les nuits couchés par terre à côté des canons. Il y avait un endroit, la caverne des Dragons, où Français et Allemands n’étaient séparés que par un mur. Selon les jours on se balançait des grenades ou on dialoguait. C’était une dure époque. Il faut espérer que la guerre ne reviennent pas ».

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* Né à Falaise le 14 décembre 1898. Remobilisé en 1939, il est fait prisonnier, s’évade du camp de Châteaubriant et, après un court séjour à Malakoff, rejoint les FFI dans l’Ouest. En août 1944, il participe entre autres à la libération d’Ancenis. En 1945 il revient à Malakoff, adhère à l’Union locale des Anciens Combattants. Très actif dans la vie associative, il fonde une amicale de commerçants.

Témoignage extrait de Malakoff Infos, décembre 1998

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TEMOIGNAGE
Ma vie à Malakoff pendant la guerre de 14-18

Madame Jacqueline Bizet à eu la chance de retrouver les souvenirs de sa grand-mère écrits à la main dans une série de cahiers d’écolier. Elle y relate de nombreux moments de sa vie à Malakoff ou elle résida de nombreuses années rue Danicourt. Nous retenons ici quelques extraits du témoignage concernant la période de 1914-1918 où elle avait dix ans, années durant lesquelles la vie fut très difficile pour la population de Malakoff.

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Madame Jacqueline Bizet à eu la chance de retrouver les souvenirs de sa grand-mère écrits à la main dans une série de cahiers d’écolier. Elle y relate de nombreux moments de sa vie à Malakoff ou elle résida de nombreuses années rue Danicourt. Nous retenons ici quelques extraits du témoignage concernant la période de 1914-1918 où elle avait dix ans, années durant lesquelles la vie fut très difficile pour la population de Malakoff.

« ...Eté 1914, j’avais dix ans, c’étaient les vacances, et comme chaque année nous allions partir à la campagne à la Ferté-Macé, mais les événements en décidèrent autrement. Hélas, ce fut la guerre. Le 4 août, l’Allemagne déclarait la guerre à la France. Mon père employé à l’octroi devait rejoindre son unité : le 26° régiment d’infanterie à Mayenne. Il prit le train à la gare de Vanves-Malakoff. L’image de son départ est restée gravée dans ma mémoire, nous pleurions, ma soeur et moi, car jamais papa ne nous avait quittées, et bien que petite, je comprenais que ce moment était très grave.

Quelques jours plus tard, maman reçut une dépêche lui apprenant que le régiment de Papa était à Orly pour quelques jours. Avec ma tante Ernestine, nous avons pris un taxi et nous avons pu revoir mon père. Il avait quitté ses vêtements civils et portait un pantalon rouge garance, une veste et un képi. Comme il avait couché dans une grange, il avait pris froid et avait une extinction de voix. Il nous embrassa très fort. C’était le 15 août 1914...

Les Allemands avaient envahi la Belgique. Les départs des soldats se succédaient. Le régiment de mon père fut envoyé vers la frontière belge. Sans nouvelles de lui, ma mère pleurait souvent car celles venant du front étaient désastreuses : le nord de la France était envahi.

Enfin, le 12 octobre, une lettre de mon père arriva de Hal en Belgique : « Prisonnier, pas blessé ». Quel soulagement ! Bien sûr la guerre n’était pas finie, Papa n’était pas là, mais nous le savions loin du front. Et ce fut une longue période de plus de quatre ans qui commença. Après avoir été fait prisonnier le 26 août 1914 à Ramillies près de Douai, mon père fut envoyé dans des camps en Allemagne, en Westphalie puis dans le Anhalt et en Saxe . Il changea quatre ou cinq fois de camp...

Au début de la guerre en 1914, les Allemands envoyaient des avions de reconnaissance sur Paris. Le premier qui survola Malakoff fit sortir tout le monde dans la rue. A cette époque, les avions ne volaient pas bien haut, et nous en avions rarement vu avant la guerre. Il avait la forme d’un oiseau. Et puis, des avions de bombardement survolèrent Paris la nuit, les alertes étaient annoncées par une sonnerie de clairon qui nous réveillait. J’avais très peur et je devenais très nerveuse. Je ne sais pas quels objectifs étaient visés, des usines sans doute, peut-être les voies de chemins de fer..

Et pendant tous ces mois de guerre, la vie continua malgré tout. Nous avions des cartes d’alimentation, car certaines denrées étaient rationnées. Aussi ce n’était pas toujours facile de constituer les colis envoyés à mon père. L’épicière, chez qui nous nous servions avait la gentillesse de nous fournir, en cachette bien sûr, sucre, pâtes, chocolat, et bien souvent, c’était moi qui, en prenant, à midi, le bidon de lait que j’avais laissé le matin, ramenais de quoi faire un colis.

Les hivers, pendant cette période de guerre, ont été extrêmement froids. En 1916, la Seine charriait des glaçons. Le chauffage était presque inexistant, rationné avec des cartes de charbon. Ma mère nous avait confectionné des sous-vêtements, genre de plastrons en tissu épais qui étaient doublés et à l’intérieur, elle y avait mis des feuilles de papier journal, ça tenait bien chaud. Le midi, pour chauffer un peu la cuisine pendant le déjeuner, ma mère faisait chauffer une brique sur le gaz. Comme la cuisine n’était pas très grande, nous n’avions pas froid. Je me souviens qu’à l’école, l’encre gelait dans les encriers et que j’ai eu des engelures aux mains. Il devait aussi y avoir des coupures ou des pannes d’électricité, car j’ai le souvenir d’avoir fait mes devoirs, éclairée par une lampe à pétrole.

Bombardements de Paris et de Malakoff

... Le bombardement de Paris par la grosse « Bertha » commença le 23 mars 1918, année de ma communion solennelle. La Bertha tirait aveuglément, sans objectif. C’est ainsi que le Vendredi-Saint après-midi, un obus tomba sur l’église Saint-Gervais à Paris, il y eut 91 tués et de nombreux blessés.

Lors du premier tir de la Bertha, nous étions en classe. Les maîtresses firent évacuer l’école et nous nous réfugiâmes dans une cave d’un immeuble voisin. Nous étions éclairées par une bougie. Inutile de dire que nous étions pratiquement dans le noir complet. C’était lugubre ! Et nous avions peur. Des mamans vinrent chercher leurs fillettes. Ma mère m’emmena à la maison avant d’aller chercher ma soeur qui était à l’école à Paris dans le 14ème. Je suis allée à l’usine Clacquesin où le directeur, Monsieur. Hantz, m’accueillit. Ayant perdu une main à la guerre, il était démobilisé. Ma mère et ma soeur revinrent me chercher.

Sur le moment, personne ne savait que c’était un canon qui tirait sur Paris. C’était beaucoup plus pénible qu’une alerte pour laquelle on était prévenu du début et de la fin du bombardement, tandis que la Bertha tirait à n’importe quel moment et sans prévenir. A Malakoff, un obus tomba sur le jeu de boules d’un café qui se trouvait à l’angle de la rue Gambetta et Victor Hugo. Il y eut 17 morts....

Vers la fin mai 1918, on reprenait espoir d’une fin prochaine de la guerre. C’est à ce moment qu’une affreuse épidémie, appelée « Grippe Espagnole », fit son apparition. On rencontrait des gens le matin et à midi on apprenait qu’ils étaient morts ! C’était foudroyant. Dans le monde, il y eut un million de morts. Alors ma mère décida de nous faire partir, ma soeur et moi, avec notre grand-mère à la Ferté-Macé.

Fin de la guerre et retour des soldats

Quand l’Armistice fut signé le 11 novembre, nous étions en classe. Ce fut une joie indescriptible pour celles qui, comme moi, eurent le bonheur de voir, plus tard, revenir leur père. Mais hélas, il y avait aussi le chagrin de celles qui ne les reverraient plus ! A 11 heures, l’institutrice, Mademoiselle Flusin, nous fit mettre debout dans l’allée et nous observâmes une ou plusieurs minutes de silence.

Mais si l’Armistice était signé, nos soldats mirent du temps pour réintégrer leur foyer. Mon père ne revint qu’en janvier 1919, le rapatriement de tant d’hommes dispersés à travers l’Europe posait d’énormes problèmes. Les routes étaient saccagées, ainsi que le réseau ferroviaire, les courriers n’arrivaient plus. Ce fut pour nous une longue attente de deux mois !

Un soir, nous étions revenues de l’école ma soeur et moi et maman n’était pas encore rentrée de son travail, quand notre boulangère, Madame Zravouillon vint nous prévenir que mon père allait arriver. Aussitôt ma soeur courut à la maison Clacquesin prévenir maman. J’étais donc seule à la maison, quand on sonna. J’allais ouvrir : c’était mon père ! Je ne le reconnus pas car il était habillé en bleu horizon alors qu’il était habillé en rouge garance lorsque nous l’avions vu le 15 août 1914 à Orly. Il avait une barbe et... je ne l’avais pas vu depuis plus de 4 ans et demi. Je n’avais que 7 ans à son départ. Lorsque maman et ma soeur arrivèrent ce fut la joie ! Nous étions enfin réunis, nous ne serions plus séparés, la guerre était finie !

Quand mon père revint, j’allais avoir 12 ans et ma soeur bientôt 16 ans. Mon enfance était finie, mon adolescence commençait. Ma soeur était déjà une jeune fille, et mon père ne nous avait pas vues grandir ! Il fallu un long temps pour se réhabituer à la vie civile, sa captivité s’était toujours passée dans des camps, mais privé de liberté. Et puis la vie reprit ses droits.... »

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Extraits diffusé avec l’aimable autorisation de Madame Jacqueline Bizet

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ECONOMIE
1917 : Malakoff émet sa monnaie de nécessité

Durant la première guerre mondiale afin de permettre néanmoins les échanges financiers totalement désorganisés,, et surtout ceux pour la vie courante, l’Etat a autorisé des organismes publics et privés à émettre une monnaie temporaire et locale, la monnaie de nécessité. La ville de Malakoff émettra deux pièces en aluminium de forme octogonale, de 5 et 10 centimes, avec sur l’avers une reproduction du blason de la ville : la Tour Malakoff.

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Durant la première guerre mondiale afin de permettre néanmoins les échanges financiers totalement désorganisés,, et surtout ceux pour la vie courante, l’Etat a autorisé des organismes publics et privés à émettre une monnaie temporaire et locale, la monnaie de nécessité. La ville de Malakoff émettra deux pièces en aluminium de forme octogonale, de 5 et 10 centimes, avec sur l’avers une reproduction du blason de la ville : la Tour Malakoff.

La France, a connu depuis la Révolution de 1789 plusieurs périodes ou les pièces divisionnaires se sont faites rares, principalement lors des guerres et des crises financières.

Dans les mois qui ont précédés la déclaration de guerre à l’Allemagne, le gouvernement français a considérablement réduit le nombre de pièces afin de diminuer la masse monétaire en circulation dans le pays, ceci pour financer l’effort de guerre. La période de la première guerre mondiale désorganisa, on s’en doute, l’économie. Même les pièces en or, en argent et en bronze se trouvèrent avoir une valeur faciale inférieure à leur masse métallique et furent donc systématiquement thésaurisées par les particuliers. L’Etat cessa leur frappe. Mais la crise de confiance dans la monnaie ne s’arrêta pas là. Ce réflexe du » bas de laine » gagna aussi les petites monnaies en centimes malgré des émissions massives par l’Etat de pièces de 5, 10 et 25 centimes en cupro-nikel à partir de 1917.

Deux pièces émises à Malakoff

Des communes de toutes tailles devinrent alors émettrices de cette monnaie de nécessité. En effet, durant la guerre de 1914-1918 les monnaies de nécessité semi-officielles, tolérées par l’Etat suite à une décision du 16 août 1914, pouvaient être émises notamment par les municipalités à condition bien sûr que l’émetteur l’accompagne d’un dépôt de garantie à la Banque de France, monnaies qui devaient être échangées une fois la guerre terminée contre des francs.

A Malakoff, la vie était aussi difficile qu’ailleurs et la pénurie de monnaie s’est fait cruellement sentir. Face à cette situation une délibération du Conseil municipal de Malakoff du 4 août 1917 décidait l’émission d’une monnaie de nécessité, des jetons d’aluminium de deux valeurs non datées : 5 centimes et 10 centimes pour un montant de dépôt à la Banque de France de 4500 francs. La délibération ne précisant pas la date de remboursement, ni si l’acte bénéficiait d’une autorisation préfectorale.

Les deux pièces de monnaie éditées par la ville de Malakoff étaient en aluminium de forme octogonale. 19mm de diamètre pour la pièce de 5 centimes et 21mm pour celle de 10 centimes.

Sur l’avers des deux pièces figurait au centre, les armes de la ville, « de gueules au chef d’azur, à la forteresse d’argent mouvant de la pointe brochant sur le tout. L’écu sommé d’une couronne murale de quatre tours, encadré de branches de chêne autour l’inscription « Ville de Malakoff, Seine ». Au revers, au centre de la pièce, la valeur, autour grainetis (petites boules) octogonal.

Cette monnaie de nécessité est très recherchée aujourd’hui par les collectionneurs.

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SANTE
1916 : Le Fort de Vanves devient lieu de production de thermomètres médicaux

Les thermomètres médicaux d’un usage courant avant la première guerre mondiale étaient exclusivement fabriqués en Allemagne bien qu’à l’origine ce fut une invention française. Quelques modèles avaient bien été créés en France, mais les prix de revient ne permettaient pas de lutter contre l’article allemand. Pour l’époque et dans un contexte de guerre la formation du personnel et l’industrialisation de la fabrication demandaient par ailleurs de gros efforts et de l’argent. On se désintéressa donc de ce produit. Mais avec la pénurie de thermomètres pendant la guerre de 1914-1918, on se décida à envisager une production française. Le premier atelier fut crée dans un bastion du Fort de Vanves en 1916.

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Les thermomètres médicaux d’un usage courant avant la première guerre mondiale étaient exclusivement fabriqués en Allemagne bien qu’à l’origine ce fut une invention française. Quelques modèles avaient bien été créés en France, mais les prix de revient ne permettaient pas de lutter contre l’article allemand. Pour l’époque et dans un contexte de guerre la formation du personnel et l’industrialisation de la fabrication demandaient par ailleurs de gros efforts et de l’argent. On se désintéressa donc de ce produit. Mais avec la pénurie de thermomètres pendant la guerre de 1914-1918, on se décida à envisager une production française. Le premier atelier fut crée dans un bastion du Fort de Vanves en 1916.

Avec les terribles conséquences du conflit et les questions sanitaires, le nombre impressionnant des blessés, la durée non prévue de la guerre, se procurer des thermomètres devint un vrai problème pour les services sanitaires de l’armée. La France commença alors par acheter tous les stocks disponibles sur le territoire. Ils furent rapidement épuisés. On se tourna alors vers la Suisse, la Grande-Bretagne et les USA. Mais les services de santé furent très vite préoccupés par la qualité moyenne et le coût des lots achetés à l’étranger. La pharmacie centrale des armées eut parfois à éliminer jusqu’à 80% des lots jugés inacceptables ou dangereux.

Le service pharmaceutique de l’armée fut complètement réorganisé en 1915 et c’est le sous-secrétaire d’Etat du service de santé au ministère de la guerre Justin Godart qui chargea le pharmacien principal Pellerin, attaché du sous-secrétariat de mener une étude en vue de la création d’un atelier de thermomètres médicaux.

DES RECHERCHES POURTANT AVANCEES EN FRANCE

Rien en fait ne pouvait du point de vue technique s’opposer à la création d’un tel atelier. En effet, après avoir mis au point la fabrication de vases à air liquide et les bouteilles à double enveloppe isolante, il était déjà possible avant la guerre de s’attaquer en France à une autre branche de l’industrie du verre et à la fabrication des thermomètres médicaux. Mais les fabricants de souffleurs de verre ne connaissaient qu’imparfaitement la construction de modèles et surtout la production en grande quantité à un prix permettant de rivaliser avec l’industrie étrangère.

La première préoccupation fut d’abord la fabrication d’un verre spécial à très faible dilatation pour éviter le déplacement des points de réglages. Puis de respecter la forme de la tige émaillée permettant la lisibilité de la colonne mercurielle et enfin, la production d’un verre méplat (surface plane sur une pièce cylindrique) pour avoir un instrument plus pratique à l’emploi.

Ces différentes réalisations techniques furent mises au point par la verrerie René Martin à Saint-Denis. Il fallu ensuite chercher à diviser le travail qui comprenait une douzaine d’opérations différentes.

LE FORT DE VANVES, LABORATOIRE ET LIEU DE PRODUCTION

A la demande du sous-secrétaire d’Etat Justin Godart, le pharmacien Trimbach organisa un atelier dans un bastion du fort de Vanves qui devint rapidement un atelier moderne, bien outillé et doté d’un matériel adapté.

Au début, l’atelier du fort de Vanves utilisa des prisonniers allemands, spécialistes de la fabrication de thermomètres dans leur pays. Par la suite des hommes et des femmes françaises furent formés à ce travail, l’objectif étant aussi d’avoir un personnel qualifié pour l’après-guerre. Par la suite, cet atelier servira de centre de formation professionnelle et permettra la création de nouveaux ateliers dirigés par d’anciens élèves.

Pour protéger cette nouvelle industrie démarrée au fort de Vanves une loi a rendu obligatoire la vérification préalable à la vente de tout thermomètre médical. Un décret du 3 mars 1919 fixa les conditions de cette vérification par le laboratoire d’essais du conservatoire national des arts et métiers.

Sources :

-Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Communication de Mr Berlemont, Président de la Chambre syndicale des fabricants souffleurs de verre

(2ème semestre 1916, Juillet-Août, N° 11).

-Christophe Levy, thèse pour le diplôme d’Etat en pharmacie, Université Clermont1 (1998)

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